Accélération
Différents auteurs ont postulé l'accélération du temps comme l’événement fondamental de la modernité.    Il s’agit en premier lieu de l’accélération des modes de vie avec la désynchronisation et la fragmentation des temps individuels entrainant une décélération de la solidarité sociale et intergénétrationnelle. Ensuite vient l’obsolescence accélérée des biens et des programmes avec, entre autre, le déploiement  du « non stop » et du « just in time ». Cela s’accompagne du caractère éphémère et transitoire des idées et des représentations.
Les conséquences de cette accélération sont multiples. Tout d’abord nous observons un rétrécissement de l'horizon temporel dont la réduction du temps consacré aux décisions politiques fait partie. Ce rétrécissement entre en contradiction avec l’augmentation du nombre de décisions nécessaires dans un monde devenu complexe et la nécessité de planification alors même que de l'action prévaut sur la régulation. Dès lors, l’accessibilité temporelle remplace la proximité physique comme l'avait prédit Melvin Weber.
Le développement durable nécessite de repenser les projections des sociétés dans le temps, en particulier dans le temps long. Or les principaux problèmes contemporains sont globaux, invisibles et imprévisibles. Nous emboîtons le pas du philosophe Paul Virilio qui prône une écologie du temps.
Pour être complète, l’écologie doit aussi devenir l’écologie du temps. L’écologie verte traite la pollution des substances, de la faune, de la flore, de l’atmosphère, bref de tous les écosystèmes. L’écologie grise devrait traiter la pollution des distances, des échelles, de la grandeur nature.
Paul Virilio in «La vitesse réduit le monde à rien», entretien par Laure Noualhat, Libération le 3 juillet 2010
Accélérer l'imagination
Dans leur Manifeste accélérationniste (2013), Nick Srnicek et Alex Williams proposent d'accélérer l'imaginaire politique.
« Les politiques actuelles sont plombées par leur incapacité à générer les nouvelles idées et modes d’organisation nécessaires à la transformation de nos sociétés, pour leur permettre de confronter et de résoudre les menaces d’annihilation à venir. Tandis que la crise gagne en force et en vitesse, la politique dépérit et bat en retraite. L’avenir se trouve annulé du fait de cette paralysie de l’imaginaire politique ». Or, « il faut casser la coquille de l’avenir une fois encore, pour libérer nos horizons en les ouvrant vers les possibilités universelles du Dehors. »
Ou entrer en résonnance
Le sociologue Hartmut Rosa fait appelle le « lien vibrant » entre nous et le monde, cette résonance que nous ressentons lorsque nous avons la sensation que « la vie nous réussit » :
« la vie plaisante à vivre se caractérise par des axes de résonnance « ouverts », vibrants et haletants qui confèrent au monde ses sonorités et ses couleurs et permettent au « soi » de gagner en sensibilité, émotions et mouvements ». Le sport, la musique, la culture donnent ces occasions de résonner : « nous sommes touchés et saisis, la vie et les flux nous traversent, les rires et les larmes en sont de bons témoignages ».
Répétition
Nous continuons à énoncer les principes temporels qui guident notre réflexion. Aujourd'hui, la parole à Gilles Deleuze.
Il y a des moments où nous ne pouvons pas nous tromper quand nous disons : « Ah mon Dieu, ça c’est nouveau », et que notre stupeur, c’est toujours ce qu’on n’attend pas, par définition ... C’est pas ce qui répètera cette nouveauté qui est intéressant, c’est que ce nouveau en tant que nouveau, est la répétition déjà de tout ce qui lui succède. Difficile de penser une nouveauté qui soit comme la répétition de tout ce qui va lui succéder. C’est au sens où Péguy, dans une très belle page, dit : vous savez, vous savez que, vous vous rappelez que, le peintre Monet a peint beaucoup, beaucoup de nymphéas, en d’autres termes de nénuphars. Péguy, il disait, on croit que c’est le dixième nymphéa de Monet qui répète le premier, qui le répète en le perfectionnant au besoin, et bah, c’est pas vrai il disait. Il disait, c’est le premier nymphéa, c’est le premier nymphéa de Monet qui répète tous les autres. De même, il disait, c’est pas la célébration de la prise de la Bastille qui répète la prise de la Bastille, c’est la prise de la Bastille qui répète toutes les célébrations futures. En d’autres termes, la production d’un quelque chose de nouveau, c’est la répétition, mais la répétition de quoi : la répétition tournée vers le futur, la répétition de ce « qui n’est pas encore ».
Gilles Deleuze - Cinéma, cours du 23/11/82 - transcription par Marie Lacire
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