
Nous vivons nos téléphones comme des extensions de nos corps. Ils nous accompagnent partout, nous propulsent dans des relations qui transfigurent la géographie classique. Dans le train, je consulte le fil temporel de mes amis intimes. J’entreprends une conversation par messagerie instantanée qui commence dans la rue et que je finirai allongée dans mon lit. Je ne suis jamais perdu avec une cartographie qui me replace toujours au centre du monde… Les applications de nos Smartphones modifient en profondeur notre rapport à l’espace et au temps. Loin d’être une démonstration, ce court article vaut interpellation sur la modification des régimes spatio-temporels individuels que provoque cette technologie.
La méthode est simple : le recensement des applications les plus utilisées (avec la difficulté pour le grand public d’avoir accès à ces informations commerciales), la détermination de familles suivie d’une caractérisation en fonction du temps et des différentes échelles de vie (allant de l’espace kinesthésique au grand territoire).


Il apparaît assez facilement que la généralisation de l’accès et l’immédiateté de la relation (sans tenir compte de la distance qui sépare les interlocuteurs) apparaissent comme le prolongement du services offert par le téléphone portable. Le succès des applications de messageries instantanées (WhatsApp, Facebook Messenger, Weixin…) montre que cette fonction répond à un usage très répandu d’une communication à la fois intime, muette et continue. Les réseaux sociaux ont réussi à créer une nouvelle spatialité avec leurs fils de billets : une spatialité du temps. Dans un même mouvement, le partage d’images et de vidéos captées par les utilisateurs fait la part belle à la représentation de l’instant et au dépaysement de l’espace. Cela ne peut qu’avoir des répercussions sur notre manière de vivre, sur l’architecture et l’urbanisme. La réalité augmentée ainsi produite est avant tout mentale et autocentrée (à l’image de la cartographie où nous sommes toujours le centre) pour ne pas dire égocentrique. Il est heureux que la technologie produise des batteries peu endurantes qui nous obligent parfois à redevenir de simples êtres humains perdus dans un espace dont l’horizon n’est compris que par le regard et dans la solitude enclose par la limite de notre corps.

Il serait intéressant d’observer les différences de rapport aux temps et à l’espace de différentes cultures par le prisme des applications pour Smartphone les plus employées dans chaque pays. L’évolution dans le temps du type de service proposé et de la fréquence d’emploi serait une autre source de réflexion.
Quel sera le monde de demain sous l’influence de cette technologie ? Toujours plus connecté sélectivement, autocentré jusqu’à l'autisme, regardant de lointains horizons électifs en suivant des fils temporels se superposant au présent. Demain verra de nouvelles modalités de resynchronisation des régimes spatio-temporels individuels car nous restera - je l’espère - l’appétit de ne pas rester seul.