






Photographies Jean Richer
Grand jardin
Nous vivons dans une société post-utopique, revenue des grandes idéologies du vingtième siècle et du culte du « progrès ». Bizarrement, la société ne rêve plus : la religion est en perte de vitesse, la politique ne porte plus une vision, et même la science-fiction des années 2000 (pourtant l’objet de tant de fantasmes) est devenue banale. Le dernier espace où s’expriment les désirs de la société, c’est paradoxalement le monde de la publicité et du marketing, où resurgissent les fantasmes (la nature, la liberté, le sauvage, etc.).
Nous sommes d’avis que la pensée rationnelle, la pensée de la séparation en compartiments étanches, a vécu. Nous pensons qu’il est temps de porter sur le monde un regard équitable et naïf, de prendre le monde comme une globalité émouvante et non comme un ensemble de problèmes séparés et nationalisables.
Notre premier et principal sujet de recherche, d’expérimentation, d’étonnement, est l’environnement. Ce terme déjà assez galvaudé recouvre pour nous une réalité complexe. On pourrait dire : le territoire, ou encore : l’ensemble des choses visibles. Mais pour nous, l’environnement est d’abord un projet : un ensemble de visions, de « rêves » sociaux, un monde alternatif, une fiction.
Nous définissons l’« environnement Amnios » comme le lieu du bien-être, un « playground » sans frontière, un milieu nutritif et rassurant, une sorte de placenta, de liquide amniotique social. Un nouvel EDEN trendy qui serait innervé d’une technologie souple, obéissante, invisible. Cet environnement, nous le nommons le Grand Jardin.
Le Grand Jardin, une sorte de nouvel Eden rêvé par l’homme à sa mesure, est vaste (on pourrait l’imaginer de la taille de l’Europe) mais n’a pas la froideur d’un extérieur. Il se rapproche plus d’un salon géant, d’un jardin intime, d’un lieu de confort, d’osmose avec l’environnement physique et virtuel.
Jean-Philippe Doré (2002)