Mobilité et lieux de transport
Le mouvement est devenu une valeur fondamentale dans nos sociétés, qu’il s’agisse du mouvement des personnes, de celui des biens, ou des informations, des capitaux. Dans notre environnement de plus en plus urbanisé, le mouvement devient un droit générique pour les personnes afin de se rendre à leur travail, de s’approvisionner, de se former, de se divertir, enfin de se soigner. À ce droit générique aux déplacements répondent les services de transport en commun, qu’il s’agisse du train, du ferry, du métro ou du bus. Bien que la problématique de la mobilité s’applique différemment à la ville dense et aux tissus urbains plus discontinus, il faut observer que trop souvent encore, les infrastructures de transport sont conçues en fonction de logiques techniques qui ne laissent que peu de place à l’insertion urbaine de ces éléments. L’enjeu consiste bien, comme le rappelait Isaac JOSEPH, à passer pour les points de réseaux des « temples de l’accessibilité » à la « couture avec la ville ».
La mobilité n’est pas le simple fait de se déplacer physiquement. Elle est le fait de changer de position dans un espace réel ou virtuel qui peut être physique, social, axiologique, culturel, affectif, cognitif (Alain BOURDIN, 2002). Les lieux de mobilité supportent non seulement les flux de leur destination première, mais supportent aussi, de manière organique, l’ensemble des flux liés aux réseaux connexes. Ainsi, dans une gare de bus, aux flux physiques des passagers et de la valse des bus se superpose l’ensemble des comportements réticulaires de la société : la logique industrielle du transporteur et les usages de ses employés (« flux logistiques »), les flux commerciaux des activités opportunes de proximité (et de leur éventuelle appartenance à des réseaux commerciaux), les flux de communication des téléphones portables des usagers (par les réseaux immatériels), mais aussi la perception cognitive de ceux-ci pour leur environnement urbain proche et leur trajet global (qui peuvent s’apparenter à des flux de pensées),… La liste serait longue a dressé, mais il importe de considérer l’ensemble des activités sur et à proximité proche d’une gare de bus à l’aune de la mobilité, où tout peut être considéré en termes de flux.
La multimodalité, par la l’hyperactivité de mouvements géographiques qu’elle recueille, induit une tension dans les territoires qu’elle considère. Elle condense l’espace en rapprochant les points d’un territoire discontinu, mais elle le dilate en opérant sur une surface réduite, celle du point de réseaux multimodal, une grande quantité de mouvement. Ces phénomènes, associés à la complexité sociale de la mobilité, font des lieux qui les accueillent des espaces publics particuliers. Dans ce contexte, le rôle de l’architecture est d’organiser dans un espace donné l’enchevêtrement des mouvements et du cadre pérenne de la ville.
L’usage contemporain des points de réseaux oblige à reconsidérer la mobilité en fonction de la diversification des rythmes et de l’évolution des modes de vie. Le programme des activités quotidiennes s’est transformé au rythme de l’évolution du travail (et de ses horaires flexibles), de l’allongement du temps libre, de l’entrée tardive des jeunes dans la vie active, et de l’augmentation de la mobilité des personnes inactives et des jeunes retraités. Les mouvements pendulaires (entre localisation résidentielle et localisation du travail) sont statistiquement en baisse puisqu’ils sont passés des années soixante aux années quatre-vingt-dix de 44 % à 30 % en moyenne nationale alors même que la mobilité a considérablement augmenté.
Dorénavant, un lieu de transport, une gare de bus en particulier, répond à trois notions : le lieu, le moment, le mouvement. Le lieu tout d’abord, à savoir sa localisation et son contexte d’intermodalité. Le lieu règle la question territoriale de la proximité éventuelle de la résidence des usagers, de leur travail, ou de services attractifs. D’autre fois, il s’agit de l’intersection de plusieurs lignes de bus ou d’autres moyens de transport faisant office de correspondance. Dans ce cas, le lieu se trouve déterritorialisé, et rattaché à la topographie réticulaire des modes de transport collectifs. À la question du moment répond celle du rythme quotidien, ou plutôt de la multiplicité des rythmes puisque globalement les heures de pointe tendent à s’écrêter tandis que les heures creuses se remplissent de projets transactionnels très variables et inconstants. Le mouvement reprend justement la question du projet transactionnel de chacun, à savoir le faisceau d’intensions de transit que l’usager cristallise dans ses déplacements en fonction de ses divers besoins pérégrins. La combinaison de ces déplacements s’apparente à la recomposition d’un nouveau type de territorialité, celle du territoire réseau (pour reprendre l’expression de Gabriel DUPUY). Cette tendance de déplacement par boucle, plus que par allers-retours, entraine fatalement une nouvelle géographie de la mobilité quotidienne et locale qu’il importe désormais d’intégrer dans la conception des lieux de transports en commun.
Jean-Philippe DORE et Jean RICHER
Le service « insertion urbaine et grand projet urbain » de la RATP a demandé au laboratoire de l'école spéciale d'architecture de réfléchir à « l'insertion urbaine des gares de bus en milieu dense » au moyen d'une recherche-action. Il s'agissait d'apporter une expertise urbaine sur la mobilité associée aux gares de bus et d'énoncer les moyens à mettre en œuvre pour redonner à ces équipements une place active dans la ville et ses projets.
Sur plusieurs sites de la RATP, nous avons mené des enquêtes quantitatives de fréquentation, des modes de rabattements et des motivations de déplacement des voyageurs. Des analyses qualitatives et thématiques ont apporté les moyens de comparer l'insertion urbaine des gares en question. Ces analyses ont principalement reposé sur l'étude visuelle de l'insertion et du signalement urbain des gares, ainsi que sur l'étude de cartes mentales dessinées par des voyageurs. Il résulte de l'analyse comparative les sites d'étude que l'insertion urbaine des gares de bus provient, d'une part, de la qualité de la liaison qu'elles entretiennent avec la ville, et d'autre part, de la qualité de la liaison qu'elles entretiennent avec les autres modes de transport présents sur le site. Les gares de bus étudiées ont des liaisons de qualité variable avec la ville et les autres modes, en fonction de leur configuration et de leur contexte sans qu'un modèle idéal d'insertion urbaine ne se dégage. Par ailleurs, la typologie des exemples internationaux de gares de bus montre également qu'il n'existe pas de forme technique prédéfinie pour ce type d’équipement.
Deux projets prospectifs donnent des orientations pour l’avenir des gares de bus.
Sur plusieurs sites de la RATP, nous avons mené des enquêtes quantitatives de fréquentation, des modes de rabattements et des motivations de déplacement des voyageurs. Des analyses qualitatives et thématiques ont apporté les moyens de comparer l'insertion urbaine des gares en question. Ces analyses ont principalement reposé sur l'étude visuelle de l'insertion et du signalement urbain des gares, ainsi que sur l'étude de cartes mentales dessinées par des voyageurs. Il résulte de l'analyse comparative les sites d'étude que l'insertion urbaine des gares de bus provient, d'une part, de la qualité de la liaison qu'elles entretiennent avec la ville, et d'autre part, de la qualité de la liaison qu'elles entretiennent avec les autres modes de transport présents sur le site. Les gares de bus étudiées ont des liaisons de qualité variable avec la ville et les autres modes, en fonction de leur configuration et de leur contexte sans qu'un modèle idéal d'insertion urbaine ne se dégage. Par ailleurs, la typologie des exemples internationaux de gares de bus montre également qu'il n'existe pas de forme technique prédéfinie pour ce type d’équipement.
Deux projets prospectifs donnent des orientations pour l’avenir des gares de bus.
Insertion urbaine
L'insertion urbaine des gares de bus dépend de l'ouverture de la gare sur la ville. Cette ouverture provient de la continuité physique, visuelle, et symbolique d'un espace public partagé entre la ville et le transport. Cette évolution passe nécessairement par la mise en commun d'un grand nombre de compétences entre la ville, les transporteurs, et des entreprises privées. Les projets de gares de bus sont à considérer comme de véritables projets urbains visant à valoriser l'insertion de l'espace public dans les flux de transport. Ce propos recoupe le thème majeur de notre laboratoire sur la nature de l'espace public pris dans l'espace des flux.
La partie prospective de notre étude à montré que la gare de bus en milieu dense est capable de polariser une certaine portion d'espace public, pour le tourner vers le transport, le doter de nouvelles fonctionnalités et de services. Il s'agit de constituer autour d'elle une ambiance apte à créer un nouveau type de lieu urbain.
Pour illustrer et vérifier ces conclusions, nous proposons le concept de continuité urbaine, qui vise à assurer une transition douce entre le monde du transport et la ville, et qui valorise l'expérience du voyageur au sein des pôles d'é- changes. Les deux projets qui terminent cette étude, situés à la porte de Paris à Saint-Denis et à la porte d'Orléans à Paris, sont à prendre comme des applications à des contextes différents, de ce même concept de continuité urbaine. En effet, la lecture de la littérature contemporaine sur la mobilité montre que les lieux de transport tendent à devenir des lieux urbains importants liés à de nouveaux modes de vie. Le transport devient un temps actif et attractif de la vie contemporaine. Cela est notamment rendu possible par une programmation innovante de commerces et de servi-
Traitant de l’insertion urbaine des gares de bus en milieu dense, nous avons tenté de caractériser deux hypothèses. La forme urbaine élastique voulait décrire la nature extraterritoriale d’une gare de bus, en relation avec des territoires éloignés et rassemblés par des lignes de bus et les itinéraires des autres modes présents sur le site. Certains voyageurs sollicités pour dessiner une carte mentale, par exemple, n’ont pas dessiné la gare de bus dans son contexte urbain proche, mais ont préféré représenter schématiquement leur parcours interurbain. En faisant un raccourci, on pourrait dire que pour eux la forme de la gare est celle de leur parcours plus que celle de ses limites physiques.
Cette distinction entre la forme étendue et la forme réelle de la gare se retrouve par exemple dans la contradiction entre la fréquentation importante de la gare de la porte d’Orléans et sa faible visibilité. Très vite, il est apparu que le principe de continuité urbaine devait s’appliquer à éliminer les ruptures trop importantes dans les liaisons entre la gare de bus et les autres modes présents sur le site, pour que le voyageur ai une expérience cohérente de son voyage, sans segmentation excessive. Cette expérience non segmentée du voyage est une condition importante pour que la mobilité soit vécue comme un mode de vie, et plus comme un enchaînement logistique. Si l’expérience des voyageurs est aujourd’hui chaotique - par des ruptures spatiales importantes, telles que le contraste absolu entre le métro souterrain et le bus en surface, avec un passage brutal de l’un à l’autre - ; le principe de continuité urbaine nous conduit à envisager une forme urbaine élastique pacifiée où le voyageur poursuit son chemin de lieu en lieu tout en restant dans une atmosphère globale liée à la mobilité.
Le champ de mouvement décrit les échanges directs entre la gare de bus et la ville. Ces échanges, outre l’animation qu’ils génèrent, créent des usages fugaces d’orientations et de reconnaissances -signalement et insertion urbaine, ainsi que des usages fixes - services de proximité - plus ou moins avérés. Le principe de continuité urbaine s’applique particulièrement à cette hypothèse tant les liaisons piétonnes entre la gare et la ville servent l’insertion de l’équipe- ment de transport. Dans la partie prospective de notre étude, nous avons vu que la qualité des échanges entre ces deux acteurs pouvait être stimulée par la présence de services positionnés sur leurs liaisons. La continuité urbaine peut alors être physique, visuelle ou symbolique en étant associée à des services. Le champ de mouvement voulait décrire la nature des contacts que la gare de bus entretient avec la ville. Nous avons vu que le bus était un mode souple, utilisant l’espace public, et que son rabattement dominant était la marche à pied.
Suite à l’étude « des gares de bus en milieu dense », RATP/DAT/PEI a demandé au laboratoire un complément d’étude concernant les gares de bus intégrées dans des bâtiments.
La partie prospective de notre étude à montré que la gare de bus en milieu dense est capable de polariser une certaine portion d'espace public, pour le tourner vers le transport, le doter de nouvelles fonctionnalités et de services. Il s'agit de constituer autour d'elle une ambiance apte à créer un nouveau type de lieu urbain.
Pour illustrer et vérifier ces conclusions, nous proposons le concept de continuité urbaine, qui vise à assurer une transition douce entre le monde du transport et la ville, et qui valorise l'expérience du voyageur au sein des pôles d'é- changes. Les deux projets qui terminent cette étude, situés à la porte de Paris à Saint-Denis et à la porte d'Orléans à Paris, sont à prendre comme des applications à des contextes différents, de ce même concept de continuité urbaine. En effet, la lecture de la littérature contemporaine sur la mobilité montre que les lieux de transport tendent à devenir des lieux urbains importants liés à de nouveaux modes de vie. Le transport devient un temps actif et attractif de la vie contemporaine. Cela est notamment rendu possible par une programmation innovante de commerces et de servi-
Traitant de l’insertion urbaine des gares de bus en milieu dense, nous avons tenté de caractériser deux hypothèses. La forme urbaine élastique voulait décrire la nature extraterritoriale d’une gare de bus, en relation avec des territoires éloignés et rassemblés par des lignes de bus et les itinéraires des autres modes présents sur le site. Certains voyageurs sollicités pour dessiner une carte mentale, par exemple, n’ont pas dessiné la gare de bus dans son contexte urbain proche, mais ont préféré représenter schématiquement leur parcours interurbain. En faisant un raccourci, on pourrait dire que pour eux la forme de la gare est celle de leur parcours plus que celle de ses limites physiques.
Cette distinction entre la forme étendue et la forme réelle de la gare se retrouve par exemple dans la contradiction entre la fréquentation importante de la gare de la porte d’Orléans et sa faible visibilité. Très vite, il est apparu que le principe de continuité urbaine devait s’appliquer à éliminer les ruptures trop importantes dans les liaisons entre la gare de bus et les autres modes présents sur le site, pour que le voyageur ai une expérience cohérente de son voyage, sans segmentation excessive. Cette expérience non segmentée du voyage est une condition importante pour que la mobilité soit vécue comme un mode de vie, et plus comme un enchaînement logistique. Si l’expérience des voyageurs est aujourd’hui chaotique - par des ruptures spatiales importantes, telles que le contraste absolu entre le métro souterrain et le bus en surface, avec un passage brutal de l’un à l’autre - ; le principe de continuité urbaine nous conduit à envisager une forme urbaine élastique pacifiée où le voyageur poursuit son chemin de lieu en lieu tout en restant dans une atmosphère globale liée à la mobilité.
Le champ de mouvement décrit les échanges directs entre la gare de bus et la ville. Ces échanges, outre l’animation qu’ils génèrent, créent des usages fugaces d’orientations et de reconnaissances -signalement et insertion urbaine, ainsi que des usages fixes - services de proximité - plus ou moins avérés. Le principe de continuité urbaine s’applique particulièrement à cette hypothèse tant les liaisons piétonnes entre la gare et la ville servent l’insertion de l’équipe- ment de transport. Dans la partie prospective de notre étude, nous avons vu que la qualité des échanges entre ces deux acteurs pouvait être stimulée par la présence de services positionnés sur leurs liaisons. La continuité urbaine peut alors être physique, visuelle ou symbolique en étant associée à des services. Le champ de mouvement voulait décrire la nature des contacts que la gare de bus entretient avec la ville. Nous avons vu que le bus était un mode souple, utilisant l’espace public, et que son rabattement dominant était la marche à pied.
Suite à l’étude « des gares de bus en milieu dense », RATP/DAT/PEI a demandé au laboratoire un complément d’étude concernant les gares de bus intégrées dans des bâtiments.
Porte de Paris à Saint-denis
Porte d'Orléans à Paris
La continuité urbaine n’est que secondairement la continuité physique d’un sol urbain ; elle indique bien plus un enchaînement de significations s’organisant autour de la problématique de la mobilité, et devient le lieu à partir duquel un grand nombre d’actions et d’intentions urbaines se focalisent.