Solidarity Zones to a scenario of climate change adaptation in Charente-Maritime (France – Poitou-Charentes Area)
Résumé :
La tempête Xynthia qui a frappé la côte charentaise (France) en 2010 (I) avec une submersion importante ne devrait-elle pas être considérée comme un signal « faible » de ce que pourrait être ce littoral en 2100 ? Sur les zones dites « de solidarité », la désurbanisation a laissé place à un changement d’aménités (II) où le littoral n’est plus habité, mais renaturé au bénéfice du plus grand nombre. A plus grande échelle, il s’agit maintenant d’adapter ce littoral très spécifique aux conséquences prévisibles des effets du changement climatique. Un scénario prospectif (III) montre comment l’appréciation du système littoral – rétrolittoral de l’arrière-pays permet d’envisager une adaptation urbaine durable aux enjeux croisés du changement climatique.
La tempête Xynthia qui a frappé la côte charentaise (France) en 2010 (I) avec une submersion importante ne devrait-elle pas être considérée comme un signal « faible » de ce que pourrait être ce littoral en 2100 ? Sur les zones dites « de solidarité », la désurbanisation a laissé place à un changement d’aménités (II) où le littoral n’est plus habité, mais renaturé au bénéfice du plus grand nombre. A plus grande échelle, il s’agit maintenant d’adapter ce littoral très spécifique aux conséquences prévisibles des effets du changement climatique. Un scénario prospectif (III) montre comment l’appréciation du système littoral – rétrolittoral de l’arrière-pays permet d’envisager une adaptation urbaine durable aux enjeux croisés du changement climatique.
Abstract:
Whereas Xynthia storm hit the Charente coast (Fr.) leaving a massive coastal flooding in 2010 (I), shouldn’t we consider this natural disaster as a ‘weak’ signal of what the coastline could look like in 2100? On the Solidarity Zones, the withdraw back-urbanization movement has left place for a change of amenities (II.) As a result,, a no longer inhabited, coastline allows the nature to take back over, constituting a global benefit. On a larger scale, it is time to adapt this very specific coastal territory to the consequences of climate change. A prospective scenario (III.) shows how the assessment of the system of interdependencies embracing the coastline, the back-coastal zones and the hinterland leads to a sustainable urban adaptation to crossed climate change issues.
Whereas Xynthia storm hit the Charente coast (Fr.) leaving a massive coastal flooding in 2010 (I), shouldn’t we consider this natural disaster as a ‘weak’ signal of what the coastline could look like in 2100? On the Solidarity Zones, the withdraw back-urbanization movement has left place for a change of amenities (II.) As a result,, a no longer inhabited, coastline allows the nature to take back over, constituting a global benefit. On a larger scale, it is time to adapt this very specific coastal territory to the consequences of climate change. A prospective scenario (III.) shows how the assessment of the system of interdependencies embracing the coastline, the back-coastal zones and the hinterland leads to a sustainable urban adaptation to crossed climate change issues.
Mots-clés : Adaptation au changement climatique, aménagement, renaturation, réurbanisation
Key-words: Adaptation to climate change, urban planning, renaturation, re-urbanization
Key-words: Adaptation to climate change, urban planning, renaturation, re-urbanization
I. Xynthia : signal « faible » de ce que pourrait être le littoral charentais en 2100
Fin février 2010, une tempête hivernale classique, nommée Xynthia, d’incidence sud-ouest — nord-est a frappé le littoral français centre atlantique en pleine nuit, en concomitance — fait aggravant et exceptionnel — avec un fort coefficient de marée et une période de hautes eaux. Au marégraphe de La Pallice, la surcote a atteint plus de 1,5 m à 3 h le 28 février. Elle a détruit des digues, fait déborder des cours d’eau (le Lay, la Charente et la Seudre) et submergé de très vastes territoires insulaires et continentaux habités et agricoles, extrêmement vulnérables, car souvent poldérisés au cours des siècles jusqu’à récemment (Figure 3). Au travers des victimes à déplorer (29 en Vendée et 11 en Charente-Maritime) et des dégâts considérables qu’elle a générés, elle a mis en évidence les faits saillants suivants : défaillances dans le contenu du message et la chaîne d’alerte, anthropisation et urbanisation littorale excessive occultant souvent les notions de risques de submersion et d’inondation (retard dans la mise en œuvre des plans de prévention des risques), défaut de surveillance et d’entretien des digues. Elle a permis aussi une prise de conscience collective sur les dangers à habiter un littoral de faible altimétrie, voire des secteurs poldérisés.
L’État prend alors rapidement la décision de racheter, pour les déconstruire, les biens situés dans les zones d’extrême danger à l’aide du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), appelé fonds Barnier, dont c’est l’une des missions. Ces secteurs, dont le foncier appartient désormais à l’État, sont appelés Zones de solidarité (ZDS). Il sera interdit d’y habiter et d’y construire. L’État crée également des zones de prescriptions spéciales où les biens doivent faire l’objet d’aménagements spécifiques (niveaux refuges, ouvertures dans les toitures, mise en sécurité électrique…) pour faire face aux risques de submersion et d’inondation. Ces classements et ces opérations constituent d’une certaine manière une première étape de désurbanisation littorale, et une pièce de la gestion intégrée du littoral, qui complète les autres outils en place liés à la planification et à la gestion foncière : volets littoraux des SCoT, acquisitions par le Conservatoire du littoral et les collectivités (espaces naturels sensibles…).
Dès lors que le cinquième rapport du GIEC prévoit une élévation moyenne du niveau de la mer comprise entre 0,52 m et 0,96 m en 2100 dans une de ses hypothèses les plus pessimistes (RCP 8,5), la question suivante mérite d’être posée : la submersion liée à la tempête Xynthia ne préfigure-t-elle pas tout ou partie des futures zones qui seront submergées de manière continue à cette échéance ? En effaçant les systèmes de défense côtière existants et prévus (faillibles et conçus pour un niveau de risque Xynthia + 0,60 m), on reviendrait à une configuration géographique du littoral se rapprochant des anciens golfes des Pictons (anse de l’Aiguillon au nord du département) et des Santones (Rochefort et Brouage) (voir Figure 2). Lancer une réflexion collective et partagée pour anticiper et organiser une désurbanisation littorale dans les secteurs les plus vulnérables devient donc pertinent. Quelles peuvent être les pistes d’adaptation pour commencer à agir dès maintenant et non dans l’urgence ? Plusieurs leviers sont à explorer : actions par paliers sur le long terme pour lisser les dépenses et atteindre un seuil d’acceptabilité ; promouvoir un portage politique fort et continu fondé sur un projet de territoire solidarisant le littoral et le rétrolittoral.
II. Un changement d’aménités : le littoral n’est plus habité, mais reconquis autrement
II.1. Historique et méthodologie : de l’Atelier national exceptionnel à l’Atelier littoral régional
Dans les mois qui ont suivi la tempête Xynthia, les services centraux de l’État (ministère de l’Écologie) ont proposé aux collectivités d’engager une réflexion partagée sur le devenir du littoral impacté, pour tenter de redonner une vision positive de ce qu’il pouvait devenir à court, moyen et long terme. Pour cela, ils ont mis à disposition du Préfet, des collectivités et des services déconcentrés (DDTM17, DREAL Poitou-Charentes), une équipe pluridisciplinaire d’experts (géographes et géomorphologues, économistes, architectes, urbanistes) chargée pendant six mois de construire un projet global sur l’ensemble du territoire. Mais cet Atelier national exceptionnel pratiqua un biais dans le raisonnement qui ne fut pas explicitement énoncé : l’absence de prise en compte des contraintes réglementaires et administratives dans le projet proposé.
Cet atelier a fait émerger un questionnement territorial : comment transformer une catastrophe en opportunité d’aménagement territorial raisonné et intégré ? Comment conceptualiser, ensemble, le futur d’un territoire littoral très urbanisé par endroit et bipolaire (La Rochelle/Rochefort, altimétriquement bas qui plus est) et composé de vastes étendues de marais (eaux douces/eaux salées), tout en respectant les milieux naturels et agricoles existants ? Comment concilier des contraintes et des enjeux apparaissant contradictoires, dans le temps et dans l’espace ?
Sans attendre, les deux services déconcentrés se sont appropriés cette réflexion en l’adaptant au contexte local, par la création de l’Atelier littoral régional à géométrie variable en fonction des sujets à traiter. Le cercle des participants englobait les collectivités territoriales (le conseil régional de Charente-Maritime, les EPCI et communes concernées), les établissements publics (le Conservatoire du littoral, l’Office national des forêts, l’Établissement Public Foncier), l’Université de Poitiers — La Rochelle ainsi que le Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement (CAUE). Sa première priorité fut d’entrer dans l’opérationnel en s’attelant au devenir des zones de solidarité, pour accompagner, avant même les premières déconstructions, ce second traumatisme à venir.
II.2. Une étude pilote sur les zones de solidarité d’une dizaine de communes
II.2. Une étude pilote sur les zones de solidarité d’une dizaine de communes
La DREAL Poitou-Charentes a donc lancé, fin 2011, un premier marché d’études sur trois communes pilotes et volontaires : Charron, Aytré et Port-des-barques. Fin 2012 et courant 2013, elle a poursuivi sur Yves/Châtelaillon-Plage, Fouras/île d’Aix, et St-Pierre et St-Georges-d’Oléron. L’objet était « l’étude des sites pour leur aménagement environnemental après déconstruction » dans une co-construction du cahier des charges avec les communes. Le choix des trois communes pilotes était fondé sur le volontariat, ainsi que sur l’intérêt temporel (elles feraient l’objet du premier volant de marché de déconstructions courant 2012), et géographique (chacune d’elle était représentative d’un faciès littoral particulier). Charron est une commune située au sud de l’anse de l’Aiguillon, sur des terres agricoles poldérisées, où l’urbanisation ancienne était implantée sur des promontoires (d’anciennes îles du golfe des Pictons), et les zones sinistrées dans les zones basses poldérisées (anciens marais et pâturages « protégés » par des « digues agricoles », Figure 5). Aytré fait partie de l’agglomération de La Rochelle, avec une dune résiduelle derrière laquelle s’appuyait un lotissement sinistré construit après la seconde guerre mondiale. Enfin Port-des-barques, est une commune située en rive gauche de l’estuaire de la Charente avec une urbanisation qui s’est développée en frange de zone urbanisée sur d’anciens marais et claires remblayés. Le trait commun est que l’habitat littoral le plus impacté par la tempête est contemporain et postérieur aux années 1950-1960. Il s’est développé dans les zones basses et vulnérables du littoral.
Les principaux objectifs de ces études étaient de faire un diagnostic détaillé (comprenant un historique), tester la faisabilité d’aménagements environnementaux sobres, résilients à la submersion, réversibles et évolutifs, mais aussi de définir de nouveaux usages dans le respect des règles actuelles (PAPI, PPRL, Urbanisme, Sites classés…). Les nouveaux usages, qu’ils soient naturels, agricoles ou de loisirs, devraient permettre à ces territoires de se fondre à nouveau dans leur environnement sans les sanctuariser. La dimension « mémoire du risque et de l’évènement » devait aussi être prise en compte.
Les échanges menés dans le cadre de ces projets entre les collectivités, l’État et l’équipe pluridisciplinaire (mandataire paysagiste, historien, géographe, hydraulicien, géomorphologue, urbaniste et architecte) en charge de l’étude ont dégagé des scénarios validés collectivement, et aideront les collectivités à se réapproprier ces préprojets qu’elles développeront par elles-mêmes et dont elles assureront à terme la gestion, l’État gardant la maîtrise foncière. Ils ont aussi permis de nouer des relations constructives, positives et « intégratrices » sur des projets littoraux à différentes échelles, et de faire de la pédagogie autour des enjeux littoraux.
II.3. Synthèse des scénarios prospectifs retenus par commune
II.3. Synthèse des scénarios prospectifs retenus par commune
Les programmes d’action pour 2011-2012 concernaient les trois premières communes. Sur Charron, le retour vers des zones de pâtures prévoit l’intégration de la Vélodyssée (piste cyclable reliant Roscoff à Hendaye par le littoral atlantique) et des cheminements doux. Cette renaturation s’accompagne d’une mise à disposition du foncier pour la création de nouvelles défenses contre la mer et la création d’un « pôle mytilicole ». Pour Aytré, la priorité reste la reconstruction et la sanctuarisation partielle de la dune à l’image de ce qu’elle était en 1933, contribuant à la défense côtière naturelle et passive. Derrière la dune, la recomposition spatiale comprendra le réaménagement du stationnement, d’aires de pique-nique et de jeux collectifs, ainsi que le prolongement d’un sentier équestre et l’intégration de la Vélodyssée. À Port-des-barques seront créés un parc de loisir vert (détente, jeux de boules, jardins familiaux) et un fossé recalibré pour faciliter le ressuyage plus rapide du village lors de submersions et d’inondations, ainsi que le creusement de bassins pour la gestion des eaux pluviales.
Le second programme pour 2012-2013 concernait les autres communes. Sur Yves/Châtelaillon-Plage seront assurées une continuité de la promenade littorale avec vue sur la baie d’Yves et la création d’espaces publics de contemplation s’articulant avec le tissu urbain résiduel, le projet de défense contre la mer utilisant le foncier des zones de solidarité. La renaturation des parcelles par des essences rustiques intégre des espaces ludiques et naturels. Les deux communes classées de Fouras et l’Île-d’Aix sont intégrées à l’opération Grand site de France de l’estuaire de la Charente et de l’Arsenal de Rochefort. Les zones de solidarité de Fouras, situées sur la Pointe de la Fumée (presqu’île plate entièrement poldérisée et urbanisée en un siècle, Figure 6) sont destinées à lui redonner une vocation maritime (suppression de place de stationnements) avec une reconquête visuelle sur la mer des Pertuis (Fort Boyard, île d’Oléron, île d’Aix), mais aussi à reconstituer la plage de la vierge dans sa configuration initiale en intégrant une « défense douce » au niveau du tombolo. Sur l’île d’Aix, les terrains seront remis en pâture avec création de fossés pour la gestion des eaux pluviales et le ressuyage plus rapide lors des inondations et submersions. Enfin, sur les communes de St-Pierre et St-Georges-d’Oléron, liées par un chenal, la libération de l’espace entourant le port de Boyardville permettra de jalonner la promenade vers la plage avec piétonnisation, circulations douces, terrasses pour les commerçants, recentrage du Marché. Sur la rive opposée, à Perrotine, la promenade le long du chenal sera réaménagée, les varennes réaffectées au maraîchage tout en intégrant des projets de défense contre la mer et des zones d’affectation du chenal.
II.4 Enseignements
II.4 Enseignements
Ces démarches mettent en œuvre quelques principes communs : projet évolutif, réversibilité des usages, résilience à la submersion, reconstitution d’une géographie passée pouvant évoluer naturellement, réponse mesurée aux besoins des collectivités avec co-construction d’un projet partagé, approche pluridisciplinaire, coordination et intégration de plusieurs projets… Au-delà, nous pouvons considérer qu’ont été expérimentées, sur ces petits espaces de territoires littoraux les prémices d’une nouvelle forme de travail partenarial qui pourrait être mise en œuvre sur de plus grands espaces pour faire face aux enjeux grandissants d’adaptation du littoral au changement climatique, et notamment à l’élévation prévisible du niveau marin. La co-construction d’un projet, ainsi que les éléments de réponses apportés, sont transposables à d’autres régions littorales présentant les mêmes faciès et les mêmes vulnérabilités. Ils préfigurent des exemples concrets d’adaptation pouvant être utilisés demain à d’autres échelles de territoire.
III.1. Penser les effets du changement climatique dans la partie nord de la Charente-Maritime
À la suite des études menées par les services de l’État en matière de renaturation des zones de solidarité, une réflexion prospective peut proposer une image directrice pour engager la partie nord du département de la Charente-Maritime — avec ses côtes basses soumises à l’élévation prévisible du niveau de la mer — dans un projet de résilience territoriale. L’état des connaissances sur les effets du climat à venir permet dès à présent d’agir dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique. L’aire d’étude comprend l’aire urbaine de La Rochelle/Rochefort (avec une extension sur l’Aunis jusqu’à Surgères), les îles de Ré et d’Oléron, et s’étend de la baie de l’Aiguillon au nord à l’estuaire de la Charente au sud (figure 7). Ce système géographique particulier est constitué d’un littoral urbanisé alternant avec des marais littoraux de grand intérêt écologique, et d’un arrière-pays rural voyant se développer une péri-urbanisation croissante.
Nous estimerons ici l’élévation prévisible (et théorique) du niveau de la mer de + 1,00 m en 2100 (niveau statique sans prendre en compte les défenses existantes et à construire), pour envisager ses conséquences en termes de submersion définitive des terres (Figure 4). Rappelons pour élément de comparaison que le plan Delta 2015 - 2100 néerlandais se fonde sur un scénario plus sombre de + 4,00 m sur 200 ans. L’incertitude liée aux prévisions ne doit en aucun cas être bloquante pour se projeter dans l’avenir, mais elle doit induire une stratégie plus souple et réajustable en fonction de l’avancement de l’état des connaissances locales. D’autre part, nous prenons clairement le parti de l’anticipation et l’adaptation des conditions urbaines aux changements annoncés. L’effort financier de la relocalisation inéluctable des activités et des biens vulnérables face à l’élévation prévisible du niveau de la mer conduit à développer une ambition qui va au-delà d’un retrait de quelques centaines de mètres. Dans l’appréciation du système rivage - rétrolittoral et arrière-pays, nous pouvons penser une réurbanisation qui reconfigure une vaste zone en étant inclusive de toutes les adaptations nécessaires aux effets du changement climatique. Ce changement d’échelle de réflexion — en incluant l’hinterland — permet de débloquer de nombreux problèmes littoraux et de renforcer les solidarités entre territoires à différentes échelles.
III.2. Intégrer le croisement des enjeux locaux liés au changement climatique
Une partie du littoral charentais (460 km de linéaire, dont 160 km de côtes naturelles dynamiques) recule déjà du fait de l’érosion marine. L’élévation prévisible et progressive du niveau de la mer, associée à l’érosion, entraînera un recul du trait de côte dans le périmètre d’étude, du fait d’un littoral altimétriquement bas, plat, poldérisé et aux faciès tendres sur une grande partie de son linéaire. Néanmoins d’autres effets du changement climatique sont attendus — comme le manque d’eau douce et l’élévation moyennes des températures — dont les conséquences seront combinées.
Les six principaux enjeux d’adaptation aux effets du changement climatique pour l’aire d’étude sont :
– l’adéquation entre ressource, demande et préservation de la qualité de l’eau. La baisse importante des précipitations s’opposera aux usages estivaux touristiques et agricoles. La montée du niveau de la mer pourrait également s’accompagner d’un déplacement du biseau d’eau salée (caractérisant les ressources souterraines en eau douce qui sont en contact avec les eaux salées ou saumâtres) ;
– le déport du trait de côte (dû au phénomène d’érosion accéléré par le régime des tempêtes et d’élévation du niveau de la mer) et ses conséquences sur l’urbanisme, les zones naturelles et l’agriculture ;
– la préservation du potentiel adaptatif de la biodiversité. Marécageux sur une partie de ses zones littorales, le département voit 16 % de son territoire classé en zone Natura 2000 et 23 % en zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). Or ces espaces naturels sont soumis à des pressions importantes, liées à l’urbanisation, aux activités économiques et au tourisme. La fragilisation de la biodiversité réduit son potentiel adaptatif et il existe un risque de disparition de certains milieux ;
– un urbanisme qui tend vers des objectifs d’atténuation tout en subissant des stress dûs aux évènements climatiques extrêmes (canicules, orages et inondation) et l’aggravation des effets du retrait/gonflement des argiles ;
– l’adaptation des productions agricoles et marines. L’agriculture sera plus affectée par l’accès aux ressources en eau que par des modifications climatiques. La migration des cortèges d’espèces marines sous l’effet du réchauffement de l’eau est certaine et les impacts économiques sur la conchyliculture et la pêche seront importants ;
– la transition touristique d’un littoral soumis aux risques côtiers et aux conflits d’usage autour de la ressource en eau alors qu’il s’agit d’un secteur économique crucial pour le territoire en question. Une évolution notoire des pratiques touristiques de bord de mer est à prévoir.
Les six principaux enjeux d’adaptation aux effets du changement climatique pour l’aire d’étude sont :
– l’adéquation entre ressource, demande et préservation de la qualité de l’eau. La baisse importante des précipitations s’opposera aux usages estivaux touristiques et agricoles. La montée du niveau de la mer pourrait également s’accompagner d’un déplacement du biseau d’eau salée (caractérisant les ressources souterraines en eau douce qui sont en contact avec les eaux salées ou saumâtres) ;
– le déport du trait de côte (dû au phénomène d’érosion accéléré par le régime des tempêtes et d’élévation du niveau de la mer) et ses conséquences sur l’urbanisme, les zones naturelles et l’agriculture ;
– la préservation du potentiel adaptatif de la biodiversité. Marécageux sur une partie de ses zones littorales, le département voit 16 % de son territoire classé en zone Natura 2000 et 23 % en zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). Or ces espaces naturels sont soumis à des pressions importantes, liées à l’urbanisation, aux activités économiques et au tourisme. La fragilisation de la biodiversité réduit son potentiel adaptatif et il existe un risque de disparition de certains milieux ;
– un urbanisme qui tend vers des objectifs d’atténuation tout en subissant des stress dûs aux évènements climatiques extrêmes (canicules, orages et inondation) et l’aggravation des effets du retrait/gonflement des argiles ;
– l’adaptation des productions agricoles et marines. L’agriculture sera plus affectée par l’accès aux ressources en eau que par des modifications climatiques. La migration des cortèges d’espèces marines sous l’effet du réchauffement de l’eau est certaine et les impacts économiques sur la conchyliculture et la pêche seront importants ;
– la transition touristique d’un littoral soumis aux risques côtiers et aux conflits d’usage autour de la ressource en eau alors qu’il s’agit d’un secteur économique crucial pour le territoire en question. Une évolution notoire des pratiques touristiques de bord de mer est à prévoir.
Ces phénomènes ne peuvent pas être appréhendés séparément tant leur combinaison — bien qu’incertaine — doit conduire à une réponse globale. Nous avons tenté de produire l’image d’une solution possible sur un territoire délimité à partir d’un exercice de prospective appuyé sur des scénarios tendanciels. Ils sont désormais ouverts à la discussion — et à la contradiction — avec tous les acteurs du territoire concerné.
III.3. Élaborer un scénario prospectif de synthèse qui s’incarne dans une image directrice
À partir de trois scénarios préalables, une « image directrice » a été élaborée pour exprimer un possible projet d’adaptation territorial aux effets du changement climatique. Cette image directrice — les actions sont phasées entre 2015 et 2100 — s’appuie sur la mobilisation du système d’interdépendances entre le littoral, le rétrolittoral et l’arrière-pays. Trop souvent les problématiques littorales sont considérées au mieux dans l’épaisseur des communes littorales (au titre de la loi du même nom), au pire en se focalisant sur les espaces proches du rivage. Au contraire, la mise en réseau des structures urbaines, les relations de complémentarités économiques et sociales sont autant d’arguments plaidant pour une vision élargie et les projets de territoires s’envisagent désormais sur de vastes périmètres infra-départementaux (portés en cela par la loi ALUR de 2014). Ce décentrement permet d’envisager l’abandon de la politique systématique de défense côtière lorsque cela est possible. Seuls les sites d’importance stratégique ou nationale devraient faire l’objet d’une défense maritime rigide alors que les tempêtes marines risquent d’être plus violentes, nécessitant des ouvrages plus hauts et plus robustes. À l’image des zones de solidarité, la sagesse doit conduire à reculer l’urbanisation lorsque cela sera nécessaire. Le développement du tourisme balnéaire a conduit au cours du 20e siècle à l’urbanisation irréfléchie d’une partie de la côte atlantique. Après la tempête Xynthia, la désurbanisation des sites touchés ne fut rendue possible que par l’émoi provoqué. Des solutions innovantes existent comme l’a montré par exemple le programme VuLiGAM-PIRVE avec la possibilité juridique d’un démembrement successif du droit de propriété pouvant conduire à une désurbanisation douce des zones sensibles sur plusieurs générations. Le maintien à l’état naturel de certaines parties du littoral (plages et cordons dunaires) préservera la biodiversité locale et fera office de rempart naturel face au risque de submersion. Pour la bande littorale « déconstruite » où déjà naturelle, l’objectif est d’imaginer de nouveaux usages, de favoriser une renaturation et d’envisager le maintien d’activités humaines compatibles. Pour les lisières entre la bande littorale protégée et les zones urbaines ou agricoles, il sera préconisé de marquer clairement la limite par un aménagement paysager caractéristique.
Dans le contexte très spécifique de l’aire d’étude, le chevelu hydrographique en relation avec les marais est structurant et forme d’intéressants corridors écologiques. De plus, leurs tracés armaturent historiquement l’organisation urbaine et agricole au point de faire de l’eau l’élément fédérateur de cette partie du département bien que l’urbanisation récente et les pratiques agricoles aient négligé ce patrimoine. Il est proposé que le projet d’adaptation s’appuie sur la géographie naturelle dont il peut tirer partie. La restauration des fonctionnalités écologiques et du fonctionnement hydrologique des marais littoraux et des cours d’eau (avec la restauration du champ d’expansion de crues sur 20 % du linéaire de ces derniers) pourrait s’accompagner d’une amplification de la trame verte et bleue afin de former une trame paysagère de transition. La renaturation d’une partie du littoral nécessite par ailleurs un report de l’urbanisation dans les terres en tenant compte des risques d’inondation et de retrait et gonflement des argiles, avec une densification des bourgs et villages existants pour former une nouvelle armature urbaine (passant d’une moyenne de 13 à 35 logements par hectare bâti dans l’Aunis) et une adaptation des bâtiments aux nouvelles conditions climatiques. La reconstitution des 18 600 logements (dont 9 200 résidences principales) affectés par la montée du niveau de la mer s’effectuera donc progressivement dans l’arrière-pays, essentiellement par densification, et en relation directe avec la trame paysagère. La densité n’est acceptable que si elle s’accompagne d’aménités et d’espaces libres que la trame paysagère peut apporter. Parallèlement, les pratiques agricoles vont devoir s’adapter au réchauffement et au stress hydrique. Dans cette restructuration de l’espace agricole, les éléments topographiques imposés par la politique agricole commune peuvent être utilement mis au service d’une trame paysagère de grande échelle. L’amplification de la trame verte et bleue actuelle préfigurera les nouveaux équilibres entre urbanisation, agriculture et nature en portant une attention particulière à la notion de lisière. Cette trame se veut doublement évolutive. D’une part, la réhabilitation et l’amplification de l’existant prendront plusieurs décennies pour arriver à maturité. Mais d’autre part, la transformation de ce territoire nécessitera une succession d’états que le paysage amplifié accompagnera par son maillage préfigurateur.
L’intégration du programme d’intentions stratégiques issu de l’image directrice se fera par intégration dans les documents de planification et en particulier dans les SCoT pour que les mesures d’adaptation soient coordonnées et complémentaires avec celles relatives à l’atténuation.
IV. Conclusion générale
Le littoral fait l’objet depuis deux siècles d’intenses politiques publiques, très découplées entre elles et donc peu intégratrices des problématiques globales. Ainsi l’ambition de stabilisation de la côte par endroit nécessita des travaux maritimes importants dès le 19e siècle (comme ceux de la pointe de Grave pour limiter l’envasement de l’estuaire de la Gironde). L’attention au littoral se concentrait alors exclusivement sur le rivage. Au 20e siècle, avec l’avènement du tourisme de masse, l’aménagement du littoral dans sa partie terrestre a connu une succession de politiques publiques avec l’essor des villes balnéaires, voire leur création ex-nihilo (mission Racine, MIACA). La DATAR estimait dès 1974 que « L’aménagement en profondeur consiste à réserver l’occupation directe du littoral aux activités strictement liées à la mer et à reculer vers l’intérieur celles qui n’ont pas nécessairement besoin d’être sur le rivage » (DATAR 1974). Cette préconisation n’a eu que peu d’écho jusqu’à présent. À la lecture des résultats à mi-parcours des cinq expérimentations de l’appel a projet « pour la relocalisation des activités et des biens situés dans des zones à haut risque » lancées par le MEDDE, force est de constater que localement, il est toujours difficile d’élargir la focale et d’envisager le fonctionnement du littoral à l’échelle intercommunale. Les rares tentatives de volet individualisé valant Schéma de Mise en Valeur de la Mer dans les SCoT — deux réalisés à ce jour en métropole — démontrent, s’il le fallait, la difficulté d’appréhender le littoral comme un système d’interactions à grande échelle. Pour y remédier, la loi Grenelle 2 a introduit dans le code de l’environnement l’ambition d’une gestion intégrée de la mer et du littoral (GIML) avec la mise en œuvre de Documents Stratégiques de Façades et la Stratégie Nationale de la Mer et du Littoral (actions en cours).
Antioche était, selon la légende, une ville côtière de l’île de Ré qui fut submergée par les flots. Cette légende se retrouve sous différentes formes le long des côtes françaises. Historiquement, la mémoire du risque s’inscrivait dans une tradition orale qui pouvait prendre un tour légendaire. Qu’en sera-t-il de notre époque, arriverons nous à anticiper le phénomène prévisible de montée du niveau de la mer qui pèse sur les populations et les biens ? Malgré l’incertitude des effets à venir du changement climatique, il convient de mettre en œuvre collectivement (État/collectivités) des stratégies d’adaptation sur les territoires les plus vulnérables. L’adaptation devient un principe inclusif de nombreux enjeux s’appliquant différemment et selon des temporalités variées. Le projet doit donc articuler différentes échelles, tant spatiales que temporelles, pour développer une stratégie de transition dans laquelle d’ailleurs la transition énergétique et la 3e révolution industrielle pourront idéalement trouver leur place. Sur l’île de Ré, un proverbe dit « lorsque qu’Antioche réapparaîtra, Ré disparaitra. » Devançons la prémonition.
Bibliographie