

Figure 1
Schéma de l'intégration du climat dans les engagements de la démarche des écoquartiers (Source Cerema). Climate adaptation history in EcoQuartier’s Label (Cerema Source).
Gastaud (Cerema Est / Laboratoire régional de Nancy), sous la direction de Jean Richer. Pour une facilité de lecture, ce groupe de travail sera dénommé « les auteurs » dans la suite de l’article.) suivent la démarche ÉcoQuartier depuis le premier appel à projets et ont récemment contribué à l’élaboration de la méthodologie d’évaluation du Label en pilotant l’évaluation de l’adaptation des projets au changement climatique. Le présent article doit donc être considéré comme un retour d’expérience technique de praticiens engagés dans l’évaluation nationale de projets opérationnels.
liées à la réduction des îlots de chaleurs urbains, à l'amélioration du confort thermique des espaces extérieurs et du bâti ainsi qu'à la prévention des risques d'inondation et de submersion.
** Le terme « d’ambition » a été replacé par « engagement » dans le cadre de la démarche globale incluant le référentiel au sein d’un processus plus complet de labellisation. Pour plus d’information, voir http://www.territoires.gouv.fr/les-ecoquartiers.
*** Il convient bien de parler de changement climatique au singulier comme un changement global des conditions climatiques où les phénomènes et les effets s’interpénètrent.
À cette fin, le Ministère a mis en place un premier appel à projet en 2009 en indiquant aux collectivités de présenter des projets d’aménagement urbain selon 7 domaines d’excellence principalement environnementaux. Le terme « climat » n'apparaissait pas dans l'avis de l'appel à projet. Ce premier appel à projet a permis de valoriser des projets intéressants ainsi que la mise en place du Club ÉcoQuartier réunissant les collectivités lauréates. Les travaux de ce club ont abouti à la rédaction d’un référentiel ÉcoQuartier de 20 ambitions avec une ambition concernant spécifiquement le climat*. Les collectivités pouvaient ainsi mieux valoriser leurs actions en matière d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. Toutefois, le bilan de l’appel à projet 2011 montre que dans les 395 dossiers ayant répondu à cet appel à projet, très peu d’actions en matière d'adaptation ont été exprimées (seulement 23 % des dossiers). Très souvent, une confusion entre l’atténuation et l’adaptation pouvait être remarquée puisque l’efficacité énergétique était par exemple souvent présentée comme une action d’adaptation.
En 2013, la remise à plat du référentiel pour créer le Label ÉcoQuartier a permis de renforcer la visibilité de l'adaptation au changement climatique avec la rédaction de l’engagement 16** sous sa forme actuelle (fig. 01). L'atténuation, si elle a disparu en tant que telle demeure intégrée quatre autres engagement du Label.
Le référentiel ÉcoQuartier mêle aujourd’hui au sein du même engagement la prise en compte des risques et la prise en compte de l’adaptation au changement climatique***. En effet, si les risques urbains sont d’une grande diversité, les effets du changement climatique vont avoir tendance à accroître certains de ces risques (enjeux et aléas) tout en modifiant leur aire d’impact. Ces effets vont également générer un changement des modes de vie lié à l’apparition de nouvelles conditions météorologiques.
** Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). 5ème rapport sur les changements climatiques et leurs évolutions futures, volume 2: changements climatiques 2014 - les impacts, les vulnérabilités, l’adaptation, mars 2014.
D’autre part, nous avons anticiper l’évolution des principaux aléas* climatiques. Pour ce faire, nous avons repris le cinquième rapport du GIEC** qui indique que « de nombreux risques vont se concentrer dans les zones urbaines européennes, notamment le stress thermique, les précipitations extrêmes, les inondations à l’intérieur des terres et sur les côtes, les glissements de terrain, la pollution de l’air, ou encore la rareté de l’eau ».
Néanmoins, le rapport met en avant principalement pour cette partie du monde :
• « l’augmentation des pertes économiques et des personnes touchées par les inondations dans les bassins versants et sur les côtes ;
• l’augmentation des restrictions d’eau. Réduction de l’accès à l’eau combinée à une demande croissante et une ressource de plus en plus faible ;
• l’augmentation des pertes économiques et du nombre de personnes touchées par les épisodes de chaleur extrêmes. »
Il s’agissait de prendre en compte des aléas qui présentent un risque actuel (car connu historiquement) mais aussi lié à des évolutions probables tout en se limitant aux trois principaux enjeux du GIEC sachant qu’ils englobent déjà un nombre important de phénomènes : inondations par remontée de nappe, par ruissellement, crues, submersion marine, retrait et gonflement d’argile, coulée de boue, canicule...
D’autre part il s’agit de mieux comprendre les conditions de vie futures auxquelles le territoire aura à faire face et de les prendre en compte dans les aménagements : sécheresse et stress hydrique affectant les végétaux mais aussi l’activité humaine, la canicule et la dégradation de la qualité de l’air pouvant si associer, effet d’îlot de chaleur urbain...
La distinction faite doit aider dans l’analyse des options d’adaptation sans pour autant hiérarchiser les phénomènes. Il est tout aussi important de se prémunir contre un évènement violent d'occurrence rare que de s’adapter à une surchauffe estivale régulière touchant le confort quotidien et ayant des conséquences sur la santé des personnes les plus vulnérables : il s’agit tout à la fois de prendre en compte les variations extrêmes du climat et ses variations moyennes. Il faut noter que certains événements considérés ici comme des risques occasionnels - tels les épisodes caniculaires - pourront devenir courants et nécessiteront une adaptation profonde des modes de vies.
** Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). 5ème rapport sur les changements climatiques et leurs évolutions futures, volume 2: changements climatiques 2014 - les impacts, les vulnérabilités, l’adaptation, mars 2014.
Trois biais importants méritent d’être mentionnés. Tout d’abord, s’agissant d’une saisie libre des candidats, ce corpus présente des intentions politiques et programmatiques au sujet des risques et de l’adaptation au changement climatique et non des réalisations effectives. Ensuite, les changements d’intitulé et de questionnement pour certains engagements ont pu orienter différemment les réponses des candidats
nécessitant un important travail de relecture pour faire une comparaison des réponses dans le temps. D’autre part, la qualité de la ou des personnes ayant rempli la base de données peut orienter les réponses apportées : en fonction de la taille de la commune et de l’organisation de la maîtrise d’ouvrage, la compréhension du questionnement de la grille ÉcoQuartier et l’intérêt porté aux différents enjeux peuvent être très variables. En dehors même de la qualité des projets, toutes les réponses sont donc inégales dans la qualité des descriptions. Dans tout les cas, il convient de bien rappeler que la base LOAD recense des intentions politiques et parfois techniques sous forme de déclaration alors que les études sont en phase de faisabilité et plus rarement opérationnelles. Des choix opérationnels ultérieurs peuvent remettre en cause ces intentions. Ces biais ne sont néanmoins pas de nature à fausser une analyse d’ensemble.
L’analyse des auteurs montre que les enjeux liés au changement climatique exprimés par les porteurs de projet dans la base LOAD peuvent être rassemblés en quatre familles** :
• Les risques majeurs qui font l’objet d’une doctrine et de politiques publiques régaliennes (dont la prise encompte est basée sur les évènements connus) ;
• l’évolution de certains risques sous l’effet du changement climatique comme par exemple l’inondation par débordement de cours d’eau ou ruissèlement (ce risque existe déjà mais les projections climatiques prévoient des épisodes pluviaux plus brutaux et intenses dans certaines régions) ou encore la submersion marine (élévation projetée du niveau de la mer) ;
• le renforcement des vagues de chaleur extrême ;
• les phénomènes qui ne peuvent être considérés comme des risques mais qui agissent sur le couple confort /inconfort de vie comme par exemple l’élévation des températures moyennes.
L’analyse s’est concentrée sur les trois enjeux principaux que sont l’inondation prise au sens large (par submersion, débordement de cours d’eau et remontée de nappe), l’augmentation des restrictions d’eau (intitulée « ressource en eau » pour plus de facilité) et les épisodes de chaleur extrêmes. S’agissant d’aménagements urbains, les enjeux d’inondation et de ressource en eau ont été complétés par un enjeu dit « eaux pluviales » (associant l’inondation par ruissellement à l’infiltration locale des eaux et intégrant les questions de mouvements de terrain comme le retrait et gonflement des argiles) (figures 2 et 3 : analyse par enjeux de l’adaptation déclarée parmi les 467 candidatures présentes dans la base LOAD). Enfin, un cinquième enjeu a été observé aux côtés des 4 autres par volonté de comparaison : l’atténuation telle que déclarée par les porteurs de projets concernant la performance énergétique des constructions, la conception bioclimatique ou encore le recours aux énergies renouvelables.
Bien qu’une approche systémique soit à privilégier en matière d’adaptation au changement climatique, nous faisons ici le choix d’une approche plus analytique par phénomène. Ce choix s’explique par la variété des situations locales et surtout par le caractère balbutiant de l’adaptation dans les démarches d’aménagement opérationnel.
** Cette typologie a été orientée par la lecture faite du 5e apport du GIEC (cf. I.2.).
*** Une analyse qualitative a été conduite sur les 467 dossiers de la base LOAD. Une notation quantitative très simple a été développée pour qualifier la pertinence des propositions en matière d'adaptation au changement climatique sur les quatre enjeux précédemment décrits : 0- pas de prise en compte (absence de réponse ou hors sujet), 1- l’enjeu est cité comme un objectif général sans description d’actions concrètes, 2- l’enjeu est pris en compte pour le climat actuel avec des actions convenues précisément décrites, 3- l'enjeu fait l’objet d’un approfondissement local et/ou d’innovations spécifiques au projet précisément décrites pour le climat actuel, 4- l'enjeu prend en compte les conditions climatiques futures et 5- l'enjeu fait l’objet d’un approfondissement local et/ou d’innovations spécifiques au projet précisément décrites pour le climat futur.
Deux seuils apparaissent importants : une note supérieure ou égale à 3 démontre une ambition opérationnelle pour une bonne adaptation au climat actuel et une note supérieure ou égale à 4 démontre une ambition pour l’avenir.

Figure 2
Analyse de l’adaptation déclarée par les 467
candidatures présentes dans la base LOAD Pour chaque dossier de candidature, chaque enjeu a fait l'objet d’une note de 0 à 5***. Les courbes représentent pour chaque enjeu la moyenne de toutes les notes obtenues sur le lot de dossier concerné : candidatures 2009-11, lauréats 2009-11, candidatures 2013-15, lauréats 2013-15. Sources base LOAD, Jean Richer.
Analysis of adaptation reported by 467 candidates in LOAD Database
Each issue has been a score from 0 to 5 For all candidates. Curves represent for each stake the average of all scores for groups : applications 2009 -11, winners 2009-11, applications 2013-15, winners 2013-15. LOAD Database Source, Jean Richer.

Figure 3
Projets adaptés au climat actuel et au climat futur dans la base LOAD
Les histogrammes présentent le pourcentage de dossiers bien adaptés au climat actuel en fonction des quatre enjeux retenus et des lots de dossier concernés (dont la note est supérieure ou égale à 3) ainsi que ceux adaptés au climat futur (supérieure ou égale à 4). Sources base LOAD, Jean Richer.
Projects adapted to the current climate and future climate in LOAD Database
Histograms show the percentage of propositions adaptated to current climate for four issues identified and folders (with a rating greater than or equal to 3), and those adapted to future climate (greater or equal to 4). LOAD Database Source, Jean Richer.
Entre les deux appels à projet et le Label, nous observons que globalement le niveau des candidatures a augmenté sur le volet « adaptation » au climat ; cette évolution est en partie due à la reformulation de l’engagement 16 poussant les porteurs de projet à mieux déclarer ce type d’actions. En revanche, nous n’observons pas chez les lauréats (et les engagés dans la démarche de labellisation) une progression significative entre 2009 et 201512. De manière plus générale, il faut remarquer la très grande faiblesse de l’adaptation au climat futur, toutes sessions confondues. Ce constat interroge en lui-même. Si les ÉcoQuartiers représentent le meilleur de l’aménagement contemporain en France et en matière de développement durable, nous ne pouvons que constater la très faible prise en compte du climat futur et le manque patent de dispositions déclarées d’adaptation. Une partie de l'explication tient au fait que les opérations d’aménagement sont toujours longues et qu’une décennie peut s’écouler entre la décision initiale et la livraison. Les projets présentés aux appels à projet et au Label ont été conçu durant la décennie 2000 alors que le questionnement climatique était centré sur l’atténuation dans le sillage du protocole de Kyōto (1997), relayé par les services déconcentrés de l'État et l'ADEME auprès des collectivités territoriales. Les projets présentés aux appels à projets puis au Label témoignent d'une ambition forte en matière de performances énergétiques des bâtiments et d’intégration des énergies renouvelables dans les projets. Néanmoins, le constat demeure : l’adaptation au climat futur est absente d’une très grande majorité des dossiers de candidature.
L’analyse pour les quatre enjeux retenus (avec l’atténuation pour base de comparaison) montre une large prédominance sur les questions d’eaux pluviales. La prise en compte de cet enjeu tient très certainement à l’obligation réglementaire du dossier Loi sur l’eau rendu obligatoire au-delà d’un hectare d’aménagement. Par le questionnement qu’il impose et ses objectifs chiffrés, il introduit la problématique des eaux pluviales très en amont de la conception du projet, préalablement au dossier de candidature. Mais au-delà, la contrainte du recollement et de l’infiltration des eaux pluviales est transfigurée par la figure de leur traitement aérien avec des noues paysagères qui devient un archétype de ce type d’aménagement durable (plus de la moitié des dossiers présentés y font explicitement référence). En revanche, très rares sont les dossiers porteurs d’une ambition anticipatrice.
Malgré un questionnement spécifique dans l’engagement 19, la préservation de la ressource en eau est rarement traité hormis dans ses dimensions triviales comme la mise en place d’économiseur d’eau sur les robinets et rares sont les projets qui vont vers la récupération d’eau allant au-delà de l’arrosage de proximité. Face aux sécheresses de cette dernière décennie et aux arrêtés de restriction d’eau, il apparaît surprenant que cet enjeu ne soit pas mieux traité par les porteurs de projet.
La prise en compte de l’élévation des températures et de l’augmentation des épisodes caniculaires est certainement l’enjeu le mieux pris en compte (selon l’analyse qualitative que nous avons fait des dossiers de candidature) dans sa double dimension climat actuel / climat futur. Si l’enjeu apparaît dans l’ombre de l’atténuation (mise en avant du bioclimatisme, performance optimisée des constructions et recours aux énergies renouvelables), son traitement fait quasi systématiquement l’objet d’une projection dans le climat futur. Ce résultat se rapproche de la pensée dominante de la décennie 2000 - 2010 qui associait presque exclusivement le changement climatique au réchauffement des températures. Dans les dossiers de candidature, la prise en compte du phénomène d’îlot de chaleur est associé très souvent aux aménagements paysagers, au traitement aérien des eaux pluviales et plus rarement à la conception bioclimatique des formes urbaines. Les déclarations de principe des porteurs de projets ne doivent pas nous faire oublier que rares sont ceux qui mènent des études poussées pour connaître les climats locaux actuels et ceux du futur. Même l’atténuation est massivement représentée dans le climat présent sans tenir compte de ses évolutions.
En conclusion, il apparaît que les candidatures aux appels à projet et au Label ne font ressortir que faiblement l’enjeu global de l’adaptation. Seules quelques collectivités ont entrepris des démarches exemplaires en matière de connaissance des évolutions locales du climat, de leurs impacts territorialisés et plus rarement d’adaptation.
L'observation de la répartition géographique des intentions d’adaptation montre que l’enjeu du phénomène de vagues de chaleur est souvent pris dans sa dimension projective (anticipation du climat futur) lorsqu'il est abordé. Le déterminant géographique n'est pas régional puisqu’il n’existe pas un déséquilibre important entre le nord et le sud de la France métropolitaine. Il ressort plutôt une prédominance des espaces urbains denses puisque 66 % des dossiers sont déposés par une commune appartenant à un grand pôle (10 000 emplois ou plus) et 16 % le sont par une commune appartenant à la couronne d'un grand pôle.
Concernant les intentions d’adaptation dans le traitement des eaux pluviales, nous observons que la dimension prospective (prise en compte du climat futur) est forte sur la côte méditerranéenne et le long de la vallée de la Seine. Cela correspond à des territoires urbanisés déjà soumis à des épisodes pluvieux intenses doublés d’inondation par débordement de cours d’eau où le dimensionnement des ouvrages d'évacuation des eaux pluviales doit nécessairement prendre en compte une aggravation des débits.
Nous observons une répartition géographique différente selon qu’il s’agisse de prise en compte du phénomène de vagues de chaleur et du traitement des eaux pluviales, preuve que les options d'adaptation sont variables selon les contextes territoriaux et l'appétence des porteurs de projet pour les différentes thématiques. Cette observation est à rapprocher du constat que les meilleurs dossiers en matière d'adaptation mettent en avant des bouquets d’options composés de deux voire exceptionnellement de trois enjeux.

Figure 4
Répartition géographique des intentions d’adaptation à l’élévation des températures, aux vagues de chaleur, et répartition géographique des intentions d’adaptation dans le traitement des eaux pluviales
Selon la notation issue du I.3. Sources base LOAD, Jean Richer.
Geographic distribution of adaptation intentions to increasing temperatures, heat waves, and geographic distribution of adaptation intentions in the stormwater treatment
According to the rating outcome I.3. LOAD Database Source, Jean Richer.
Certains projets s’appuient sur le volet adaptation d’un Plan climat énergie territorial (PCET) ou d’un Agenda 21. C’est le cas de la ville de Blagnac (31) dont les dispositions en matière d’adaptation découlent de l’Agenda 21 que la collectivité a réalisé ou encore Toulouse Métropole (31) qui participe au programme européen Mi Ciudad AC2*. L’innovation en matière de modélisation a permis la réalisation d’une carte des albédos** moyens dans le quartier de la Duchère à Lyon avec une ambition marqué sur la lutte contre l’effet d’îlot de chaleur urbain (ICU).
Les innovations peuvent se concentrer également à l’échelle du bâtiment. Le Pôle Molière du Projet de renouvellement urbain (PRU) des Mureaux (78) a pour ambition d’être certifié à l’exploitation sur les questions d’adaptation. De manière plus générale, la volonté de prise en compte du confort d’été dans les bâtiments est souvent évoquée avec pour préconisations principales des logements traversants pour favoriser la ventilation naturelle, des occultations extérieur ou des brises soleil, des façades et/ou toitures végétalisées, une inertie thermique renforcée ou encore une sur-ventilation nocturne (surtout dans les équipements).
Ces observations ont été concomitantes avec le démarrage de la mission d’assistance à maîtrise d'ouvrage confiée au Cerema pour la réalisation d'une méthodologie d'évaluation des 20 engagements de la démarche ÉcoQuartier à laquelle ont participé les auteurs en pilotant l’évaluation de l'engagement 16 spécifique à l'adaptation au changement climatique. Il s'agissait d'élaborer une méthodologie propre à évaluer les ÉcoQuartier après achèvement des travaux et à guider les futures candidatures dans leurs réflexions sur l’adaptation.
** Rapport entre la quantité de lumière que reçoit un corps et celle qu'il réfléchit ou diffuse.

Figure 5
ÉcoQuartier des Docks (Saint-Ouen)
Installation de brumisateurs dans le parc pour rafraichir les habitants lors des épisodes de forte chaleur (crédit photographique Cerema)
ÉcoQuartier des Docks (Saint-Ouen)
Water sprays in a park to refresh résidents during heat waves (© Cerema)

Figure 6
Quartier Luciline (Rouen)
Prise en compte de l’augmentation des précipitations par la constitution d’un vaste bassin paysager le long du Mail André Putman (crédit photographique Cerema)
District Luciline (Rouen)
Anticipation of increased stormwaters by forming a large landscaped pond along the Andre Putman Mall (© Cerema)
En bénéficiant de notre retour d'expérience en matière d’aménagement et de gestion des risques* et dans un soucis de lisibilité envers les porteurs de projet, nous avons pris le parti de décliner l’évaluation de l'engagement 16 en quatre temps - connaissance, gouvernance, réponse opérationnelle, informations, suivi et sensibilisaiton - proposant une ou plusieurs questions évaluatives pour chaque temps, un ensemble de critères qualifiants suivis d’indicateurs qualitatifs, quantitatifs ou ouverts. Ce questionnement possède une fonction d’interpellation qui doit permettre au porteur de projet s’auto-évaluant de s’interroger sur des points précis qui le conduiront à analyser sa démarche de projet et sa reproductibilité dans des opérations ultérieures. Une synthèse de ces indicateurs est présentée sous forme d’une feuille de calcul dont le remplissage des valeurs permet d’obtenir un tableau de bord de type “météorologique” de l’adaptation du quartier en question.
L’évaluation est structurée selon 4 temps dans le cycle du vie du projet : la connaissance qui correspond à la phase préalable aux études opérationnelles (acquisition des données nécessaires), la gouvernance même du projet en phase de conception, l’aménagement urbain qui correspond à la réalisation concrète des objectifs d’adaptation, et enfin l’information et la gestion de crise lorsque le quartier est en fonctionnement. Cette structuration en 4 temps correspond à des périodes clairement identifiables du projet pour la collectivité et le porteur de projet. Les auteurs voulaient dépasser le simple cadre des travaux (la réponse opérationnelle) en insistant sur deux temps en amont : la gouvernance du projet en phase de conception (comprenant la programmation et les faisabilités), et avant même celle-ci l’acquisition de données climatiques locales et la réalisation de documents cadres (tels les PCEAT, les plans Climat…). De la même manière, nous voulions que l'achèvement des travaux ne soit pas l'horizon de l'évaluation en intégrant les actions nécessaires à la sensibilisation de la populations et la gestion de crise. Ce faisant, ces quatre temps mobilisent des acteurs différents, aux missions et aux compétences variés, mais il nous semblait primordiale d'insister sur l'enchaînement de ces moments pour une adaptation maîtrisée.
Les 7 questions évaluatives ont été déterminées de manière empirique en synthétisant les multiples questionnements des auteurs sur les 4 enjeux (déterminés dans la partie I.3. du présent article). Initialement, nous avions adopté une structure par enjeu avec d'autres questions évaluatives qui se révélaient peu opérationnelles pour les porteurs de projet auprès desquels nous l'avions testé. C'est pourquoi la structure suit désormais le déroulement du projet.

Figure 7
Structure de l’évaluation
Assessment structure

Tableau 1 : extrait de la grille d’évaluation relative à la connaissance
Table 1: Extract of the evaluation grid for knowledge

Tableau 2 : extrait de la grille d’évaluation relative à la gouvernance
Table 2: Extract of the evaluation grid for governance
Ce temps se situe donc à cheval sur les études opérationnelles et la réalisation des travaux. C'est le lieu même des arbitrages entre les options d'adaptation pré-déterminées et des contraintes techniques et financières.

Tableau 3 : extrait de la grille d’évaluation relative à l’aménagement urbain
Table 3: Extract of the evaluation grid for urban design
** Programme européen Interreg IVB, intitulé « Futur Cities - urban networks to face climate change »

Tableau 4 : extrait de la grille d’évaluation relative à l’information, au suivi et à la sensibilisation
Table 4: Extract of the evaluation grid for information, monitoring and awareness
L’indicateur se concentre sur les moyens mis en oeuvre par le porteur de projet et non sur les résultats obtenus à chaque grande phase de conception du projet d’ÉcoQuartier. L’indicateur requiert une analyse matricielle préalable pour interroger toute les facettes du processus de projet au regard de l’adaptation. Ce travail préalable fait, il doit ensuite permettre de répondre à cette question ouverte : Quel fut l’engagement du porteur lors de la conception du projet concernant la résilience vis à vis des risques et de l’adaptation au changement climatique ?
L’association d’un indicateur quantitatif - représentatif du questionnement évaluatif de l’engagement 16 - avec un indicateur qualitatif plus proche d’un questionnement politique - tel qu’il a pu être identifié dans les discours des candidats - permet d’obtenir une première image de la position de l’ÉcoQuartier vis à vis de l’adaptation au changement climatique. Cette première approche reste bien entendu complémentaire de l’évaluation complète de l’engagement 16.
Une première présentation de la méthodologie d’évaluation de l’engagement 16 à deux collectivités test a permis de s’assurer de l’intelligibilité de la démarche. Maintenant, une phase de test d’une plus grande ampleur va avoir lieu en combinant les méthodologies d'évaluation s'appliquant aux 20 engagements.
Quel est l’impact du climat et de son évolution sur un territoire ? cela sous-entend l’organisation de la connaissance à différentes échelles territoriales. Le périmètre à prendre en compte pour les opérations d’aménagement ne se limite pas à leur emprise directe. De plus, il convient d’établir un lien entre le projet d’adaptation locale et les différents documents de planification (SRCAE, PLU, SCoT, Plan climat…). Ce constat plaide, s’il le fallait, pour un renforcement de la connaissance localisée des effets du changement climatiques. D’autre part, il engage à une réflexion à grande échelle sur les choix de localisation de certains aménagements (éviter de construire par exemple là où il y a un aléa prévisible plutôt que de s’entêter à adapter les aménagements).
Quelle est l'efficience réelles des projets d’adaptation au changement climatique ? L’adaptation optimale - le tout adapté - ne serait pas soutenable financièrement. Il convient plutôt d’ajuster nos réponses au plus près des enjeux territoriaux dans une évaluation ex-ante de l’impact des évolutions climatiques. Cela interroge alors l’élaboration des options d’adaptation, l’arbitrage au sein même de ces choix et l’arbitrage avec d’autres besoins tous aussi importants et plus immédiats. Des méthodes d’analyse des options d'adaptation sont disponibles pour cela (analyse multi-critères, analyse coûts-bénéfices…).
D’autre part, des expérimentations ont déjà eu lieu, portées par des collectivités ambitieuses, qui permettent des premiers retours d’expérience. Ces retours nous conduisent à réviser quelque peu notre méthodologie d’évaluation : il nous faut passer d’une évaluation quantitative de résultats à une évaluation de moyens pour permettre d’intégrer des innovations insoupçonnées qui seraient développées sur les territoires. Il s’agit d’insister sur le caractère exploratoire de la période dans laquelle nous nous situons : il n’existe pas encore de méthode avérée, encore moins de doctrine, et une grande place peut être accordée à l’expérimentation pour peu qu’elle soit évaluée et capitalisée afin de pouvoir bénéficier à tous.
Quelles réponses peut apporter un projet pour davantage de résilience locale au climat ? Les effets du changement climatique entraîneront des combinaisons locales d’aléas à l’intensité variable dans le temps. Ce constat impose de privilégier une approche systémique de ces impacts sur le cycle de vie des éléments architecturaux et urbains. Cela engage à une double réflexion. D’une part, les projections climatiques, associées à une prospective sur l’évolution des pratiques et des modes de vie, doivent être croisées avec la durabilité des aménagements. D’autre part, au-delà de la résistance de l'aménagement en lui-même, il faut interroger la capacité de ce dernier à favoriser l’adaptation par des aménagements adaptés, adaptables, ou encore réversibles.
Ces trois questions, issues de nos réflexions lors de l’élaboration de cette méthodologie d’évaluation, nous poussent vers une évaluation qui soit un processus ouvert dans la durée, ex-ante, in-itinere et plus seulement ex-post comme aujourd'hui. Elle doit s’attacher à ne pas envisager l’adaptation comme une somme d’actions mais doit devenir le lieu à partir duquel s’interroge le projet au regard des effets du changement climatique. Dans la commande qui était confiée aux auteurs, nous ne pouvions pas aller plus loin. Néanmoins, l’appréhension des effets constatés du changement climatique nous pousse à revoir nos modes de conception des projets urbains et l’évaluation pourrait en devenir la colonne vertébrale, ne serait-ce qu'en évitant la maladaptation.
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