La détention du bonheur
Du 4 février au 23 mars 1981, l’ILIAC (International Life Assurance Company) exposait ses théories et ses pratiques au Centre Georges Pompidou en mémoire du docteur John Lowenskjold, son créateur étrangement dis­paru 10 ans auparavant à l’aéroport de Brême. L’ILAC n’est rien d’autre que la plus importante compagnie d’assurances actuellement existante.
Le principe de risque inversé qui la fonde permet l’assurance de la vie entière, soit un bonheur exact. L’ILAC fonctionne sur l’objectivité de son système d’information de base qui propose, par un contrat réciproque à ses membres sélectionnés, un avenir tota­lement planifié. Il s’agit plus d’un organisme de garantie que d’une entreprise de défense, soit une entreprise équivalente qui fasse que tout aille bien pour ses membres. Cette manifestation importante n’a pas eu, à l’épo­que, un énorme succès, ce qui s’expliquait par le mécontentement des journalistes incertains de pouvoir devenir membres sélec­tionnés, et la peine des spécialistes pour sai­sir la finesse et la finalité réciproque du système présenté. Depuis, si l’intrigant pro­ moteur externe de l’ILAC (Bjôrn Lôvin) a su se débrouiller des difficultés rencontrées et préprogrammées par le système, d’autres promoteurs, associés à des sociétés concur­rentes, ont tenté de réaliser, avec moins de bonheur, des dispositifs équivalents. La garantie d’un avenir reproductible nécessite des moyens qui, pour s’être améliorés sui­vant de nouveaux facteurs, conservent cette idée essentielle et fondatrice du système de garantie : le risque inversé. L’authenticité de l’image objectivement choisie pour l’expo­sition servait de motif et de preuve aux moti­vations scientifiques de cette société qui permet la gestion sans défaut de ses mem­bres sélectionnés sous contrat. L’étroitesse des relations entre consommateurs et pro­ducteurs permet l’organisation concertée et effective d’un espace total de vie, c’est-à-dire une unité contractuelle d’existence qui ren­force une sécurité commune. La grande force du cliché de Mme Bernard devant son miroir ne peut plus être évaluée avec les systèmes d’analyse des sciences humaines puisque l’ILAC l’active comme cause et aboutissement faisant en sorte qu’aucune science ne soit pas humaine, c’est-à-dire que l’assurance d’une vie et d’une famille agréa­bles soit acquise par plus encore de mem­bres sélectionnés. Certains voient encore une opération publicitaire où il n’y a plus, grâce notamment au risque inversé, de manipula­tion qu’au travers du désagrément dene pas appartenir à l’ILAC. Dans ces conditions, garanties par la société, les lieux de l’art deviennent les lieux d’expression d’un bon­ heur implacable où le secteur public peut être racheté par le secteur privé dans la mesure pertinente où l’idée d’une autorité abusive est impossibilisée par la garantie de toute la vie. Tant et si bien que le secteur culturel n’est plus un secteur réflexif, mais un système public et disponible qui procure à chaque visiteur les moyens d’apprécier le caractère bénéfique de son quotidien. Sans risque le bonheur est assuré, c’est-à-dire con­ fié au plus compétent.
Docteur John Antonio Carl F.
L’image
Les activités internationales de la compagnie d’assu­rance ILAC (International Life Assurance Company — la plus importante compagnie d’assurance au monde) s’affirment aujourd’hui par l’exposition « L’Image » qui commémore le dixième anniversaire de la disparition de son fondateur, le Dr John Lbwenskjôld survenue le 4 février 1971 à Brême.
Les recherches du Dr Lôwenskjôld sur les qualités intrinsèques de la vie sont intéressantes à plus d’un titre et à l’origine même des activités culturelles de cette société. La perspective existentielle de ces recherches est intimement liée aux problèmes de l’art ; à ce que l’art exprime et représente, l’éthique étant, en effet, une partie intégrante de toute création artistique. Le rationalisme qui a produit des vies entièrement contingentées devait conduire à des valeurs artistiques ou poétiques majeures parfaite­ment définies, limitantes, et incluses à ce système. C’est pourquoi nous avons suivi avec le plus grand intérêt la méthodologie mise au point et adoptée par « ILAC » pour définir sa véritable image, avec une sincérité qui n’est pas sans singulièrement rappeler la recherche de la forme dans l’art conceptuel.
Que la conception finale et la réalisation de cette exposition aient été confiées à l’artiste suédois Bjôm Lôvin dont les travaux antérieurs touchaient aux frontières de la personnalité potentielle dans ses rapports avec la société d’environnement montrent bien l’attitude ouverte et généreuse de la compagnie « ILAC ».
Et c’est, bien entendu, cette nature d’esprit qui a permis au Centre Georges Pompidou de présenter cette exposition. Nous nous en réjouissons d’autant plus qu’il nous est ainsi possible de faire connaître l’un des grands mouvements de notre époque dont les activités sont essentiellement fondées sur des concepts idéologiques.
Pontus Hulten
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Le docteur John Lôwenskjôld, né le 17 décembre 1927, est mort assassiné le 4 février 1971, abattu à l’aéroport de Brême par des assassins dont on ignore encore aujourd’hui l’identité et le mobile.
Par la solide structure théorique dont il a doté sa théorie révolutionnaire du « risque inversé », il devait pendant sa courte existence contribuer plus que quiconque à la conception du système inédit de l’International Life Assurance Company. Ses recher­ches sur les valeurs de vie reposaient sur une pensée fondamentalement démocratique : ces valeurs seraient exactement celles qui pourraient être recon­nues par l’homme de la rue. Ces recherches révolu­tionnaires ont cependant choqué plus d’un par leur simplicité structurelle. Voilà ce qui, lié à la convic­tion absolue qu’il est possible d’administrer une vie dans sa totalité et selon ces valeurs, constituait la force explosive de la vision universelle lôwenskjôl­ dienne. Sa conviction de la suprématie de l’espace idéologique constituait également une base impor­tante pour l’idéologie de l’ILAC, le succès de plus en plus grand de ce mouvement qui a correctement analysé la nouvelle signification culturelle de la société de consommation, confirme la validité des recherches de Lôwenskjôld.
Aujourd’hui, en ce 10e anniversaire de la mort de John Lôwenskjôld, pour nous tous qui sommes au sein de ! »International Life Assurance Company et du Mouvement ILAC, c’est une grande joie d’offrir cette opportunité de connaître quelques aspects majeurs de la pensée de John Lôwenskjôld. Cette exposition présentée au Centre Georges Pompidou n’a pu être réalisée que grâce aux efforts collectifs de tant de nos collaborateurs éminents, tous au service d’un grand génie créateur.
Soyez les bienvenus dans le cadre de l’exposition « l’image ».
Charles J. Middlebrouk-Stevens Jr Président of International Life Assurance Company and ILAC System
Neuf points sur l’ILAC
Qu’est-ce que l’ILAC ?
I. L’ILAC est la plus importante compagnie d’assurances actuellement existante. Elle a été fondée sur une idée essentielle, le principe du risque inversé. Selon ce principe, la vie entière peut être assurée, à condition que les valeurs de vie soient formulées en termes de niveaux de consommation et de relations sociales. Cette démarche est possible dans des sociétés entièrement administrées où ces objectifs peuvent être exprimés dans l’intérêt commun des producteurs et des consommateurs unis dans le mouvement ILAC.
II. Peut-on adhérer à l’ILAC ?
Non. Mais]’individu sélectionné par le système d’information de base qui analyse sur tous les plans ses données personnelles fondamentales se voit offrir ensuite un avenir totalement planifié et garanti par les conditions du système.
III. Et comme membre sélectionné ?
Les objectifs communs peuvent être atteints par une planification appropriée de la formation. En intégrant ces objectifs aux investissements et à la planification industrielle à long terme, on peut accéder à un avenir garanti par le système. La base en est l’échelle des niveaux ILAC.
IV. Et par quels moyens ?
Par un contrat réciproque. En participant au mouvement comme consommateur actif, en exprimant et en respectant les objectifs des niveaux de consommation, l’on crée, en union avec les autres membres, une force qui d’elle-même met en place l’avenir commun. Ce mouvement démocratique empêche l’introduction d’objectifs étrangers dans le corps social et en garantit la santé. Cette révolution psychologique silencieuse rend possible une nouvelle communication.
V. Est-ce vraiment possible ?
Oui. Et les preuves existent. Grâce à la puissance d’une administration centralisée, grâce aussi à la concentration des forces qui s’opère maintenant par l’association des différents intérêts dans le cadre de notre système, l’avenir peut être entièrement assuré. Quand les désirs et les valeurs de vie de l’individu peuvent être exprimés en conformité avec l’action industrielle planifiée à long terme, la sécurité devient presque totale.
VI. Que signifie pour l’individu « le risque inversé » ?
L’association dans les luttes d’intérêts qui peut être réalisée dans le cadre du système facilite l’action planifiée à long terme des forces créatrices de production à tel point que grâce aux techniques disponibles aujourd’hui, même l’avenir de l’individu, à l’intérieur du système, peut être garanti. Mais il faut bien évidemment que le contrat soit respecté.
VII. Qu’implique ce contrat ?
Que les capacités initialement analysées constituent le point de départ d’une démarche planifiée de formation assurant l’intérêt commun aussi bien de l’individu que des producteurs pour atteindre les objectifs fixés. Dans ce système d’association, la sécurité de l’individu comme celle de la société peut être désignée d’avance et garantie.
VIll. Quel engagement prend le particulier en remplissant le contrat ?
Il s’engage à respecter strictement le principe des capacités initiales et à participer aux luttes d’intérêts en œuvrant loyalement pour le droit du particulier à une expression personnelle dans le système de consommation. Le droit de l’individu et la sécurité de la famille sont les bases traditionnelles exprimées dans cette nouvelle forme d’association.
IX. La sécurité peut donc être garantie ?
Oui, et véritablement. Quand on peut associer la planification à long terme de la production aux exigences organisées des consommateurs, de la symbiose de ces deux forces naît une nouvelle expression qui doit être suivie de réalisation.
De la méthode
Pour accéder au sens de cette exposition, il faut comprendre que l’ILAC ne désire faire aucune publicité pour quoi que ce soit. Ce système et la société qui le représente en France n’en ont pas besoin, ce que nous désirons c’est une image authentique de notre système, indépendamment de nos choix et de nos appréciations personnelles.
Nos ordinateurs ont été programmés pour choisir un continent, un pays, et dans ce pays une région totalement administrée par nos soins.
L’ordinateur a désigné une famille adaptée à ce projet de recherche, à partir d’une structure moyenne de population dans la région et le niveau-ILAC concerné.
Le procédé d’analyse qui a été retenu est le suivant : pendant une période continue de 7 x 24 heures (604 800 secondes) nous avons effectué une pénétration totale de l’unité d’habitation choisie, à l’aide d’appareils d’enregistrement automatiques.
L’unité d’habitation a été divisée en sections, chaque section correspondant au volume d’un container de 22 pieds, les appareils étant réglés de manière à couvrir totalement le volume de la zone d’enregistrement.
On a isolé les matériaux enregistrés révélant une présence humaine dans plus de 43 % de la coupe temporelle choisie dans chaque unité de volume (c’est-à-dire 77,4 dans la coupe temporelle 180) et l’ordinateur a choisi l’Image dans les matériaux en révélant une « présence humaine ».
L’Image choisie selon cette méthode est considérée comme le point de départ et le résultat tant de la recherche que de l’exposition.
La programmation postulait que trois coupes temporelles de 180 secondes, avec les unités matérielles correspondantes, constitueraient l’exposition.
Cette méthode scientifique d’investigation nous a donné cette merveilleuse image de Mme Bernard à sa table de toilette, avec ce sourire attachant adressé à sa propre image. Nous considérons ces deux faits comme « la vérité telle qu’elle se révèle en son existence démontrée ».
L’image s’associe à l’interprétation que Mme Bernard elle-même en donne « Je pense que maintenant je l’aime vraiment », pour donner un témoignage sophistiqué de la vérité fondamentale du système ILAC.
Base fondamentale et psychologie
L’objectif du mouvement ILAC est de créer et de défendre le fondement psychologique de notre conception de l’homme. L’individu isolé, ayant sa base dans la famille (développée à partir d’une tradition raciale et juridique), constitue le cœur du mouvement ILAC. La révolution silencieuse consiste donc à opérer des regroupements en communautés d’intérêts évidentes ; ces communautés reposent sur la nouvelle organisation en niveau de consommation, aux fondements véritablement démocratiques. La révolution ! LAC brise les concepts de classes de l’ancienne société pour unir les hommes sur la base d’intérêts communs que constitue l’organisation, et permet aussi d’instaurer non seulement une nouvelle communauté, mais aussi une nouvelle communication entre les humains.
Stratégie
À travers la base commune que constitue la nouvelle lutte culturelle, les attitudes permettant la conserva­ tion des structures peuvent être finement précisées. À cette fin, une population en fait homogène est intentionnellement sectorisée, et ses intérêts créent l’espace.
Les groupes de base sans intérêt sur le plan du marché (ainsi que le problème de leur contrôle) sont maîtrisés par le contrôle idéologique de fait exercé par le marché dominant.
Principe
Le principe du mouvement ILAC réside dans une collaboration constructive entre consommateurs et producteurs pour défendre leurs évaluations commu­nes qui créent un espace-vie commune. L’application rationnelle de la théorie du risque inversé permet de garantir entièrement l’avenir. La sécurité commune qu’on y trouve est non seulement la condition sine qua non de cette organisation nouvelle, mais elle est de plus exigée par la société de consommation. L’articulation des différents niveaux de consomma­tion et leur interpénétration planifiée profitent à la fois au producteur et au consommateur et constituent la solution des problèmes de conjoncture auparavant considérés comme insolubles. Les intérêts communs sont regroupés pour atteindre l’objectif nécessaire c’est-à-dire le maintien de la structure. Le bonheur planifié des individus, considérés comme unités de consommation, peut être maîtrisé et s’accomplir dans le cadre de cet intérêt commun qu’on appelle un espace.
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Textes tirés de la revue Des arts, automne 1986, et du livre de l’exposition au centre Pompidou, 1986.
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