Notre projet éditorial se présente comme un montage cinématographique où les personnages sont des lieux, avec des personnages principaux et d'autres qui sont secondaires, et qui se croisent et se recroisent selon un scénario dont l'intrigue serait le temps où plus précisément la dimension temporelle comme mode d'explication et d'intervention sur les territoires. Comme dans toute bonne histoire, une tension se crée petit à petit par le dialogue entre les personnages-lieux avec une mise en intrigue dont le ressort dramatique conduira à un dénouement démontrant la place du temps dans le huis clos ainsi façonné.

PARTIE 1 / RÉVÉLER LE CAPITAL TEMPS
situation 01 / Habiter l’impermanence
situation 02 / Epuisement du capital spatial dans une société mondialisée
situation 03 / Echelles temporelles pour les villes et rush time urbain
situation 04 / La fin de l’homme standard où la coexistence des durées
situation 05 / Pour en finir avec le durable

PARTIE 2 / LE TEMPS DES PROJETS
situation 06 / Périmètre d'intervention et temps de l'action ou la fusion des échelles
situation 07 / Scénarisation et cycle de vie
situation 08 / L’ agenda des temporalités hétérogènes
situation 09 / habiter le temps des projets ou la place de la concertation publique
situation 10 / Temps du récit et récit du temps

PARTIE 3 / FORMES TEMPORELLES
situation 11 / Qu’est-ce qu’une forme temporelle non linéaire ?
situation 12 / temps et mouvement ou le retours d'expérience des lieux de transport
situation 13 / temps et succession ou le retours d'expérience des fonctions provisoires
situation 13 / Travail sur l’enveloppe temporelle
situation 14 / Flexibilité et réversibilité
situation 15 / Passage de la composition au montage

PARTIE 4 / TEMPS ET « NATURE »
situation 16 / Une plastique temporelle pour l’habitat humain
situation 17 / Réserves naturelles et réserves de temps
situation 18 / Pour une écologie temporelle

Chrono-plasma
Pour une plastique temporelle de la ville : 
Le topos ou la chora est la possibilité première du pluriel. En ce sens, il est ce qui permet l’identité du différent.
Le temps comme «dimension» de l’imaginaire radical est émergence de figures autres. Le temps véritable, le temps de l’altérité – altération est temps de l’éclatement, de l’émergence, de la création...
CORNELIUS CATORIADIS
L'institution imaginaire de la société, 1974

We are such stuff /As dreams are made on,
And our little life / Is rounded with a sleep.
SHAKESPEARE
The tempest, IV, 1

Information, that is the essential stuff of civilization
MELVIN M WEBBER
Exploration into urban structure

« Nous n'avons rien à nous que le temps, dont jouissent ceux mêmes qui n'ont point de demeure. »
BALTHASAR GRACIAN
L'homme de cour

Des laps de temps flottent sur l'étendue numérique du temps, comme des lambeaux de territoire sur l'étendue de la carte, comme des lambeaux d'écriture arrachés à la servitude de la langue, comme des lambeaux d'image arrachés à l'évidence de plus en plus spectrale de la réalité.
JEAN BAUDRILLARD
Cool Memories IV 1995-2000
Penser la réversibilité
Il faut acquérir de nouveaux outils pour évaluer, noter, apprécier le capital temps dans la ville. On peut imaginer de la cartographier, ce qui donnerait une tout autre perception de l’urbanisme : évaluer, quartier par quartier, le potentiel de développement dans le temps, et même bâtiment par bâtiment. À l’échelle de l’architecture, penser le capital temps équivaut à acquérir une nouvelle morale constructive. D’une part la pensée de la durée, d’autre part la pensée du devenir. À ce titre la relation ossature-enveloppe est particulièrement instructive. L’invention du béton armé date de la fin du dix-neuvième siècle, sa maîtrise des années 30, sa normalisation et sa réglementation des années soixante. Peu d’innovations significatives y ont été apportées, si l’on excepte les modernes bétons à haute performance. En revanche les technologies de l’enveloppe, en termes de produits verriers, d’isolation, de façades intelligentes, sont en pleine évolution. On voit par là que l’architecte manie, de manière consciente ou non, des échelles de durée très différente. Penser la conception avec la problématique du temps signifie de penser la traversée du temps des bâtiments d’une part dans leur intégrité physique, d’autre part dans leur devenir fonctionnel.
L’exemple de la manufacture du dix-neuvième siècle nous apprend que les bâtiments génériques ont un meilleur devenir que les bâtiments très spécialisés, à la condition primordiale que leur identité, leur inscription physique et symbolique soit suffisamment forte pour porter ces devenirs. L’intelligence du capital-temps, et par là celle d’une nouvelle écologie urbaine, ce pourrait être cette capacité à reconnaître dans la ville et dans l’histoire, puis à reproduire de manière créative dans des conceptions nouvelles, ce double caractère générique et identitaire. Pour prendre une métaphore biologique, les bâtiments génériques seraient en quelque sorte les cellules souches du développement dans le temps : des environnements nutritifs et flexibles, capables d’adaptation, mais porteurs d’un ADN de départ suffisamment fort pour traverser les époques.
Cette conception du capital temps rejoint également une logique économique : les ossatures, structures, infrastructures dont nous avons parlé constituant des investissements lourds qui s’amortissent sur plusieurs générations, quand l’enveloppe, miroir sensible et perpétuellement en évolution de son époque, peut rejoindre la famille des consommables raisonnés.
Plastique temporelle : outils pour de nouvelles formes urbaines
Le confort de vie, le bien-être, voire le bonheur de chacun vient souvent d’une certaine inscription dans le temps. Projeter sa vie à court, moyen et long terme est infiniment réjouissant et rassurant. Pour cela il y a des grands et des petits projets, des dates et de événements que l’on se fait un plaisir de retrouver, des habitudes, et des surprises. C’est la capacité de projeter, d’entrevoir à plusieurs échelles de temps qui fabriquent le sens de la vie. On peut appliquer ce constat à la ville. Permettre aux citoyens de saisir le temps de leur ville à plusieurs échelles, redynamiser le temps urbain en dehors de la seule promesse d’un objectif ambitieux, mais lointain, permettra de redonner un sens à la vie citoyenne et à la politique.  C’est dans une pédagogie des temps que l’on pourra inscrire concertation et actions possibles, et par conséquent faire comprendre à chacun l’étendue de son influence sur son environnement et sur son temps.
Dans la production complexe des projets d’aujourd’hui, il faut des éléments tangibles qui jalonnent le chemin parcouru. Interviens alors, au côté du marketing urbain et de la communication, d’autres outils comme l’urbanisme temporaire. Voir fleurir de nouveaux usages dans un quartier s’apprêtant à évoluer est un signe tangible pour tous. En créant des lieux à l’existence éphémère et à l’identité distincte du quotidien, on opère une mise en intrigue de la ville. Il est évident que la stimulation de l’intérêt de la population doit se faire en relation avec les processus de l’urbanisme pérenne, celui des besoins à long terme. Cela dit, l’urbanisme temporaire permet d’ouvrir la réflexion — et la curiosité — sur les futurs aménagements tout en cristallisant de manière préalable les futures habitudes d’usage.  L’urbanisme temporel, en stimulant la population, projette une ville en mouvement. Il s’agit d’un nouveau panel d’outils dont nous disposons pour articuler au mieux les besoins de développement urbain structurel, et une stimulation du quotidien : une forme de plastique temporelle où l’on peut choisir des entre des interventions à court, moyen et long terme en fonction des besoins.
Nous pourrions avoir une autre manière d’envisager l’urbanisme en estompant la distinction entre le penser et le faire au profit d’une approche pragmatique de la ville où l’analyse et l’action fonctionneraient simultanément au sein d’une pensée agissante. Le projet deviendrait un espace de gestion d’activités spatiales et temporelles s’apparentant à la fois au lieu de confrontation des intentions de ses différents acteurs et à une fabrique d’actions articulées dans le temps. La concertation apparaît comme une phase primordiale d’un projet, mais dès cette étape il faut donner des preuves tangibles via des actions de communication ou d’urbanisme temporaire. La perception de l’évolution de la ville dans le temps, rapportée au destin individuel de chacun, peut être source d’angoisses ou d’incompréhensions. Utiliser le présent pour des actions concrètes peut dénouer cette situation, faire affluer la créativité et les qualités de tous, et faire comprendre l’avenir de la ville de manière simple. La plastique temporelle, ce pourrait être l’exercice de savoir utiliser soit le présent pour des actions concrètes, soit d’investir dans le capital temps, existant ou à créer, de façon à multiplier les chances d’interaction, de transformations qui sont la vraie richesse de toute ville et la seule voie pour son renouvellement.
Chez tante Léonie
2017
Visite de Combray, intérieur, extérieur, à la recherche du petit Marcel.
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