Table-ronde "Ralentir" le 29 juillet 2021 à festival Décroissance.
Répondant à l’invitation de Laura BEZAULT, facilitatrice en intelligence collective, Sylvie LANDRIÈVE, co-fondatrice de Forum Vies Mobiles a posé le sujet — enquêtes internationales de mobilité à l’appui — de l’augmentation des distances parcourues et de l’aspiration paradoxale des individus au ralentissement. Marc de la MÉNARDIÈRE, réalisateur du documentaire « En Quête de Sens », nous a appelé à décoloniser nos imaginaires tandis que Victoria GUILLOMON, créatrice du podcast « Nouvel Oeil », nous a fait part de son freinage  prématuré et de la nécessité d’un alignement avec ses valeurs profondes. Et moi ? Sans grande surprise, j’en ai appelé à une écologie du temps !
Je travaille à partir de l’œuvre de Paul Virilio qui a identifié que la vitesse était une pollution, et avant tout une pollution mentale. Cette pollution a pour effet d’engager d’autres atteintes à l’environnement puisque de nombreuses ressources sont nécessaires à son expansion.
La vitesse possède une caractéristique terrible qui est l’accélération. D’ailleurs, remarquons comme le fait Harmut Rosa que le capitalisme ne s’effondre pas uniquement parce qu’il est en accélération perpétuelle.
Paul Virilio nous alerte sur une autre caractéristique de la vitesse qui est l’accident. Or, nous vivons déjà dans un accident intégral qui combine ceux du climat, de la biodiversité et un accident anthropique où l’homme se fait la guerre à lui-même.
Alors faut-il ralentir ? Je ne suis pas sûr que nous puissions poser la question comme cela puisqu’il existe de nombreux régimes de vitesse simultanés et c’est très bien ainsi. Le danger survient lorsque l’un d’entre eux devient hégémonique où lorsqu’il est organisé la séparation entre certains d’entre eux. Je vous parle là d’une rythmanalyse comme l’appelait Vladimir Janckelevitz où Henri Lefebvre.
Prenons des exemples pour être plus précis. La simultanéité des communications contemporaines est peut-être le régime le plus intense que nous connaissons tandis que l’attente est un régime très lent où le temps semble s’étirer indéfiniment.  Un des régimes majeurs de notre monde contemporain concerne la surveillance puisque des machines ne cessent d’ausculter nos comportements individuels pour nous punir ou capter notre attention lorsque ce n’est pas pour prédire nos actions, ce qui revient à anticiper les deux fonctions précédentes.
Il existe beaucoup de rythmes sociaux ou environnementaux qui dépendent de ces régimes de vitesse. À nouveau, c’est l’hégémonie qui pose problème lorsque l’accélération éclipse toute autre voie. On peut l’observer aujourd’hui dans toute l’Europe avec des politiques d’accélération — des énergies renouvelables, de lutte contre la délinquance, etc. — qui semble pourtant faire du surplace et dont un des buts serait d’étourdir toute autre réflexion. La vitesse jette un voile sur nos yeux qui nous aveugle.
Faut-il pour autant ralentir dans tout ? Non, évidement et je crois que la solution se trouve dans le frottement entre les rythmes et l’obligation que nous avons d’entretenir cette coexistence. Nous devons ralentir dans certains domaines, tels que l’économie extractiviste, et d’autres fois accélérer vraiment sur le développement des biens immatériels liés à la santé, l’enseignement ou encore la culture.
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