Si la littérature scientifique est abondante en matière de temporalité urbaine, peu d’applications concrètes existent à ce jour en urbanisme. Les bureaux des temps ont développé des actions importantes en matière de gestion des temps et quelques villes commencent à s’intéresser à l’application du corpus scientifiques à la planification urbaine.

La Ville de Niort a désiré intégrer la problématique des temps urbains dans la révision de son Plan local d’urbanisme prescrite le 31 janvier 2013 en élaborant une Trame temporelle contribuant au diagnostic de son projet de territoire.

S’intéresser à la désynchronisation des temps sociaux et aux phénomènes de conflits et d’inégalités temporelles au sein des villes apporte une nouvelle perspective de compréhension des usages et pratiques de l’urbain. Les rythmes étant une composante essentielle des interventions humaines leur analyse permet de décrypter l’organisation urbaine.

Cependant, aujourd’hui l’application de la démarche temporelle à la planification urbaine reste rare. La ville de Dijon s’y est essayée dans son dernier PLU en inscrivant le temps dans son Projet d’Aménagement de Développement Durable. La ville de Rennes travaille également pour introduire le temps et les rythmes dans son SCOT. La ville de Montpellier travaille pour sa part sur la mise en place d’un Schéma Directeur temps et territoire (SDiTT).

La difficulté principale dans l’intégration des politiques temporelles à la planification urbaine provient d’une difficulté juridique : les politiques temporelles intéressent essentiellement des modes de gestion alors que les documents de planification interrogent l’utilisation des sols en excluant implicitement les questions de gestion.

Les enjeux urbains actuels, tels que la maîtrise des déplacements, la densification, ou la mixité fonctionnelle et sociale, la modularité et la mutualisation des espaces, la sobriété de l’action publique… placent le temps de la ville au cœur de la planification urbaine :
Comment la ville vit-elle en fonction des différentes temporalités (notamment, embauche/débauche, jour/nuit) ?
quels usages pouvons-nous observer dans les différentes zones de vie de la Ville (zones commerciales, de loisirs, de travail, résidentielles…) ? 
Comment s’articulent ces usages ?
Comment intégrer les temps d’accès et d’utilisation comme leviers sur les pratiques de la ville ?
Analyse
La première phase d’étude a permis de sélectionner et de cartographier les temps niortais en s’intéressant particulièrement à la notion d’attracteur temporel, c'est à dire des structures et lieux et qui contribuent à « donner et ordonner » les rythmes de la ville tels que les grands équipements de loisirs et de services, les zones d'emplois...

La légende associée à cette typologie chronotopique a fait l’objet d’une attention particulière en termes de construction. En effet elle permet de faire ressortir les différentes temporalités associées à un espace (calendrier, cycle, périodes de pointes) et les caractéristiques leur étant associées (populations, activités, mobilités…).

Une analyse avec une entrée par le temps permet de révéler des faits qui ne ressortent pas en employant d’autres méthodes plus classiques de diagnostic territorial. Les cartes chronotopiques ont mis en relief des zones de tensions temporelles, les attracteurs temporels, les zones de proximités et les problématiques liées à l’articulation et la liaison entre les différentes fonctions de la Ville de Niort. Les points de tension identifiés ont fait l’objet de proposition dans le plan d’action.

Le modèle de développement préconisé par le plan d’action remet en question celui d’une ville rythmée uniquement par les flux traversant, en mettant l’accent sur :
La ville des courtes distances : renforcement et création de logiques de logique de proximités (centralités de quartier connectées, densification aux abords des attracteurs temporels, valorisation des lieux d’interconnexion), principes de mixité fonctionnelle (mutualisation et modularité ; usage multiple, partagés et différentiés des bâtiments et espaces publics).
L’articulation entre les fonctions du tissu urbain : rationalisation des modes de déplacements et les temps d’accès sur le territoire (cheminements doux et transport en commun pensés en amont des projets, mise en réseaux des polycentralités des quartiers et des attracteurs majeurs).
La ville évolutive planifiant l’avenir sans le figer : urbanisme temporaire, flexibilité temporelle des espaces (projets mêlant le temporaire et le durable évolutifs en fonction des besoins), projet urbain malléable (mutabilité) préfigure l’avenir mais reste ouvert sur les évolutions possibles des usages de l’espace.
Attracteurs temporels
Les grands attracteurs sont proches du centre-ville. Cette concentration des attracteurs est une particularité de la ville de Niort en regard d’autres villes moyennes (Angoulême ou Poitiers). En complément, de nombreux attracteurs ponctuels existent au sein des quartiers. Les entrées de villes sont des zones de tensions et de conflits temporels notamment aux hyper pointes. La multiplication des fonctions (circulation, commerces, services, culture et loisirs) sur certaines entrées est potentiellement porteuse de conflits. Les ruptures physiques de la continuité urbaine (cours d’eau, voies ferroviaires, boulevards, rocades) cloisonnent différents espaces au sein de la ville. Face aux constats découlant du diagnostic, ainsi que leurs implications (contraintes et opportunités), il convient d’envisager les réponses possibles et notamment dans leur inscription dans le PLU.
Conclusion provisoire
Le P.L.U. est porteur d’un projet de politique urbaine ainsi que d’un règlement à la parcelle qui touche directement les habitants. Loin d’un changement de paradigme, l'entrée par le temps éclaire différemment les politiques sectorielles qui composent la planification. Mettre par exemple en lumière les temps d'accès aux services depuis les quartiers d’habitation permet d'articuler les politiques d'habitat, de mobilité et de localisation des services publics. Les outils sont nombreux et il nous faut être inventif en gardant à l’esprit la double exigence à laquelle nous devons répondre. Tout d’abord, les enjeux temporels doivent être explicites dans les documents et nous devons faire preuve de pédagogie en accompagnant cette intégration d'une démarche de sensibilisation du public. Ensuite, nous devons veiller à une certaine continence réglementaire. Entrer par le temps revient à associer transversalement les échelles et les problématiques sectorielles. L'enjeu n'est pas d'ajouter de la complexité aux documents d'urbanisme mais d'aboutir à une plus grande lisibilité des phénomènes qui innervent la ville contemporaine et à une simplification de leur représentation.

Le questionnement sur les temps urbains enrichit la planification. L'approche systémique du diagnostic temporel peut même devenir un outil de communication très efficace envers la population. Elle peut également servir ultérieurement à l'évaluation du plan. Ensuite, l'entrée par le temps permet de rapprocher les événements et les processus. Le temps du projet et la nécessaire participation des acteurs du territoire peuvent changer la perception dynamique d'un phénomène. Il faut entendre par là que l'élaboration, l'évaluation et la veille d'un document de planification stratégique sont des formes temporelles ; la transformation à venir des chronotopes dépend de ces moments de partage et de cristallisation du projet.

Type : planification urbaine

/ Objet : renforcement du diagnostique par l’approche des temps de la ville; Prise en compte des temporalités urbaines (chronotopes)
État : réalisé
Date de réalisation : 2013

Lieu principal de réalisation : Niort


Commanditaire : Ville de Niort

Structure porteuse du projet : Service de l'urbanisme de la Ville de Niort

Auteur : Chris Beyer (géographe) et Jean Richer (urbaniste)

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