VITRAIL
Paul Virilio a commencé à travailler à l’Atelier de Vitrail d’Adeline et Paul Bony, où il s’est intéressé à la transcription de la peinture en vitrail.
« J’ai appris que chez Paul Bony, un atelier important pour le vitrail, on cherchait des maîtres verriers. Une formidable opportunité qui m’a permis de côtoyer Le Corbusier, de travailler avec Braque pour Varengeville ou surtout avec Matisse pour la chapelle de Vence. Je me retrouve ainsi dans ce qu’on appelle “les traductions” : les artistes viennent à l’atelier pour que l’on traduise certaines de leurs œuvres en vitrail, technique qu’ils ne maîtrisent pas. Pour moi, après l’effervescence de Montparnasse, c’est un véritable plaisir de traduire dans le verre et le plomb des dessins d’artistes que j’admire. »
En 1950, Paul Virilio se convertit au christianisme. L’après-guerre voit un renouveau de la foi dans cette Île de France qui se relève à grand-peine.
« Mon père était communiste, ma mère catholique mais je n’étais pas baptisé et nous étions une famille laïque. Je vais à la rencontre d’un prêtre-ouvrier qui s’occupait d’immigrés et habitait La Plaine Saint-Denis. C’est par lui que j’entre dans la foi. »
Il réalise avec Henri Déchanet, les vitraux de l’église Notre Dame des Pauvres, d’Issy-les-Moulineaux, dessinés par le peintre Léon Zack et réalisé dans l’atelier du peintre, rue de la Vieille Forge à Vanves, puis ceux du Couvent de la Clarté Dieu à Orsay, dessinés par Serge Rezvani.
« Malgré ses mille ans d’âge, le vitrail demeure donc d’actualité, ouvert directement, physiquement, sur les profondeurs d’un ciel, dont l’exploration sensible est à inventer. »
Il continue à peindre, et travaille sur une série d’huiles sur toiles « les Antiformes », dirige une galerie de peinture, rue de l’Ancienne Comédie (Paris 6e) et suit en auditeur libre les cours de Vladimir Jankélévitch, de Raymond Aron, de Merleau-Ponty, mais aussi ceux des physiciens Louis de Broglie et René Thom.Il crée en 1955 un atelier de vitrail avec sa femme Dominique, rue Rousselet (Paris 6). Ils y interprètent lesœuvres de peintres comme Zack, Poliakoff, Rezvani, Carrade, Kay Sato, Jean Piaubert, Raoul Ubac, Bissières…
« L’art sacré représentait une forme de paix intérieure et ce n’est pas par hasard si mon engagement dans ce monde-là avait été précédé, peu de temps avant, par ma conversion au christianisme. »
En 1956, Il réalise les vitraux de l’église paroissiale Saint Nicolas à Oye-et-Pallet, dessinés par Serge Rezvani puis est appelé dans les Aurès pendant la Guerre d’Algérie. Fin de la période du Vitrail pour Paul Virilio.
Les citations de ce texte sont tirées d’une courte autobiographie que Virilio avait préparée. Les dates ont été vérifiées par sa fille Sophie Virilio.
Visites
Sur les pas de Paul Virilio vitrailliste, j’ai été visité Notre Dame des Pauvres (Issy les Moulineaux) et la Clarté Dieu (Orsay ville). La seconde a retenu mon attention pour deux raisons.
Premièrement, la nef sombre surprend par son absence de décor ou presque. Seules deux verrières verticales flanquent la nef de la chapelle. Ces grands vitraux dessinés par Serge Rezvani sont des entrelacs de lumières colorées allant du brun au parme. Hormis ce décor, le reste de l’édifice conventuel se caractérise par une grande retenue due à l’emploi d’un béton blanc et brut. Dix ans avant Sainte Bernadette du Banlay, Virilio qui n’est pas encore architecte, se confronte à une architecture brute qui restera certainement pour lui une référence.
Ensuite, le propos est plus personnel. Il se fait que j’ai fait mon éducation religieuse dans ce couvent, sous la lumière d’un vitrail façonné par Henri Déchanet et l’homme auquel je consacre désormais une thèse.